Brève question à choix de réponse sur l’intelligence artificielle pour commencer cette chronique.

Préférez-vous qu’au Québec, nos élus sachent de quoi il s’agit et comprennent les multiples enjeux liés à son développement ou préférez-vous que l’intelligence artificielle (IA) soit du chinois pour eux ?

La réponse est évidente.

Les changements provoqués par l’IA dans plusieurs secteurs de notre société s’annoncent substantiels. Les gérer, c’est la mission de nos élus. Mais ils doivent pour commencer savoir de quoi on parle.

Heureusement, il existe une façon très simple de s’en assurer : il suffit de les former.

Humble suggestion de ma part à nos élus, qui ont recommencé à siéger mardi à l’Assemblée nationale : dépêchez-vous !

Il n’est pas trop tard, mais il n’est pas non plus très tôt.

L’idée a été lancée la semaine dernière par le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion.

Il participait à une discussion dans le cadre du lancement de la programmation 2023-2028 de l’Observatoire sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA), à laquelle j’ai assisté, tout comme de nombreux chercheurs.

Il a rappelé que les élus de tous les partis à Québec ont été formés l’an dernier sur la question des changements climatiques.

« Il faut faire la même chose sur l’intelligence artificielle », a-t-il dit.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec

C’est encore un gros défi au gouvernement du Québec. Dans la majorité des ministères, on veut utiliser l’IA, mais il reste qu’on ne sait pas toujours pourquoi.

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec

On ne parle pas ici d’une formation pointue. Ministres et députés ont besoin de comprendre l’a b c de l’intelligence artificielle.

Il a en tête une formation de quelques heures « pour être capable d’expliquer la base. C’est quoi, l’intelligence artificielle ? C’est quoi, les algorithmes ? De mieux comprendre les biais que les algorithmes peuvent apporter sur les bases des données utilisées, etc. », m’a-t-il expliqué.

Il est presque certain que nos politiques publiques vont à l’avenir, chaque année davantage, être influencées par les développements en intelligence artificielle.

En éducation, par exemple, on ne peut déjà plus faire abstraction des changements que l’IA générative provoque tant du côté des apprentissages que de leur évaluation.

« C’est vrai, dans le futur, ça va avoir un impact dans tous les secteurs, sur toutes les politiques publiques, a confirmé le scientifique en chef du Québec. Même que dans le futur, tu vas te faire aider par un robot conversationnel pour écrire un projet de loi. Ça se fait probablement déjà. »

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Une classe à l’Université de Montréal

J’ai aussi interpellé à ce sujet Luc Sirois, le directeur général du Conseil de l’innovation du Québec. Je n’étais pas étonné : il estime lui aussi qu’il importe de former nos élus. Il ne déplore pas, toutefois, l’état actuel de leurs connaissances.

« On est tous pris au dépourvu, avec un manque de connaissances. Moi-même, comme innovateur en chef, c’est une des premières fois que la vitesse de développement est plus rapide [pour moi] que la vitesse d’absorption », m’a-t-il expliqué.

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Luc Sirois, innovateur en chef du Québec

Les nouveaux outils deviennent meilleurs plus vite qu’on est capables de savoir qu’ils existent.

Luc Sirois, directeur général du Conseil de l’innovation du Québec

Il y a selon lui deux raisons principales pour lesquelles nos élus doivent être au courant de l’intelligence artificielle et de ses impacts.

Premièrement, ce sont eux qui sont responsables de son encadrement. « Comment on veut utiliser l’IA, qu’est-ce qu’on veut encourager et qu’est-ce que ça doit respecter ? », résume-t-il.

Deuxièmement, ces élus vont avoir un impact majeur sur le déploiement de l’intelligence artificielle dans plusieurs domaines.

« Je donne l’exemple du service à la clientèle, dit-il. Si on peut aider à avoir un meilleur accès aux services des gouvernements pour différents volets : par exemple, un meilleur accompagnement des élèves pour le tutorat, un meilleur accompagnement des élèves dans des parcours particuliers… Si on peut utiliser ces technologies-là pour le bien de l’humanité dans chacun des secteurs des élus, on va en sortir gagnants. »

J’ajoute qu’on a la chance, au Québec, d’avoir une expertise remarquable dans le domaine de l’intelligence artificielle. Nos élus n’auront pas à chercher bien loin pour trouver des spécialistes en mesure de les former. Ils vont avoir l’embarras du choix.

Par ailleurs, si les élus ont pu bénéficier d’une formation sur les changements climatiques, c’est… qu’ils l’ont réclamée !

Après avoir reçu une proposition de formation de la part d’un groupe de scientifiques québécois, les députés ont adopté une motion à ce sujet à l’unanimité à l’Assemblée nationale en décembre 2022.

Alors place à l’intelligence artificielle ?

L’an dernier, le Parti libéral avait déposé une demande de mandat d’initiative pour que l’Assemblée nationale en discute de façon transpartisane, mais elle a, hélas, été rejetée (le ministre Pierre Fitzgibbon a demandé en avril 2023 au Conseil de l’innovation du Québec de lancer une réflexion collective sur l’encadrement de l’IA – riche idée, mais qui n’a pas d’impact sur l’étendue des connaissances des élus).

Ne perdons plus de temps.

La balle est dans votre camp, chers députés.

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