La semaine dernière, les relations entre les municipalités et le gouvernement du Québec ont franchi une étape qui pourrait s’avérer importante. À couteaux tirés depuis longtemps déjà, les deux ordres de gouvernement se sont entendus sur une « déclaration de réciprocité », un nouveau mécanisme qui remplace le traditionnel pacte fiscal.

La nouvelle entente comprend deux volets : une augmentation des transferts aux villes et une feuille de route, c’est-à-dire un ordre du jour de discussions formelles à tenir dans les 12 prochains mois. La feuille de route est beaucoup plus intéressante que les transferts. Voyons cela.

Les « gains »

L’entente contient plusieurs gains à caractère financier⁠1.

Avant de se réjouir, il faut mettre les principaux montants dans leur contexte.

La nouvelle entente donne aux municipalités un accès privilégié à deux nouvelles sources de revenus : le Fonds d’électrification et des changements climatiques (500 millions) et le Fonds bleu (100 millions). C’est une avancée importante. Rappelons toutefois que les villes demandaient de toute urgence 10 milliards de dollars sur cinq ans, uniquement pour l’adaptation de leurs infrastructures aux changements climatiques. Le fossé entre les besoins et les ressources allouées reste immense.

De plus, le gouvernement présente comme un progrès le fait qu’il maintient le transfert aux villes de l’équivalent de la croissance d’un point de TVQ. Cela me rappelle Robert Bourassa qui disait que si le Québec ne recule pas, il avance ! Le seul gain réel de cette partie de l’annonce est que ce transfert sera confirmé dans une loi, donc plus difficile à abolir. Rappelons aussi que ce transfert de TVQ, qui s’élèvera à 445 millions en 2024, équivaut à 1,7 % du total des budgets municipaux (27 milliards de dollars). Ce transfert ne change donc ni la situation financière des villes ni leur dépendance à la taxe foncière. La réforme de la fiscalité reste à faire.

Parmi les gains de moindre importance, il y en a un que, si j’étais maire, je prendrais plutôt comme une insulte. Dorénavant, les villes qui devront acheter des terrains pour permettre d’y installer des écoles n’auront plus à payer la TVQ. La belle affaire !

La décision de forcer les municipalités à payer les terrains des écoles est une des décisions les plus absurdes du gouvernement actuel. Pour les municipalités, cette dépense est clairement en dehors de leurs responsabilités et elle leur coûte collectivement des centaines de millions⁠2. Le seul maintien de cette décision efface une grande partie des gains financiers de l’entente actuelle. De plus, cette obligation a des effets pervers terribles : des parcs sont sacrifiés (dont un parc nouvellement rénové à Saint-Eustache) ou menacés (à Brossard, le seul parc d’un milieu défavorisé) et c’est parfois carrément le budget de la municipalité qui est à risque : Val-David, dont le budget total est de 12 millions, doit acquérir un terrain qui en vaut 25 (!) et Saint-Lin–Laurentides risque de voir sa dette totale doubler à cause d’un seul projet d’école. À Sherbrooke, un centre de services scolaire demande des terrains cinq fois plus grands que le terrain d’une école de taille comparable dans la région de Montréal : facile, c’est la ville qui paie ! Et le gouvernement propose de rembourser la TVQ ? ! Oui, c’est insultant.

Une avancée importante

Les vraies avancées contenues dans l’entente qui vient d’être signée auront lieu dans les 12 prochains mois. En effet, l’innovation la plus intéressante de l’entente consiste en l’adoption d’une « feuille de route ».

Au lieu de s’affronter constamment dans les médias, le gouvernement et les représentants du monde municipal ont établi un ordre du jour pour tenir des discussions formelles sur des sujets prioritaires pour les municipalités. En voici quelques exemples.

Logement : les deux ordres de gouvernement ont mis sur pied une table de concertation sur les programmes de la Société d’habitation du Québec. Espérons qu’elle sera mise à contribution pour l’allocation des millions qui viendront bientôt d’Ottawa.

Itinérance : le gouvernement s’engage à activer la Table Québec-municipalité en itinérance. Le leadership est flou dans ce domaine, cette table sera utile.

Fiscalité : les deux parties mettent en place une « Table administrative sur la fiscalité municipale ». Le vocabulaire est prudent, mais les municipalités entrouvrent enfin une porte que le gouvernement tenait bien fermée.

Finalement, un groupe de travail se penchera sur l’utilité des mécanismes bureaucratiques qui forcent 4100 salariés municipaux, partout au Québec, à rendre des comptes au gouvernement. Selon l’Union de municipalités du Québec (UMQ), cette obsession de contrôle coûte au minimum 328,4 millions de dollars par année.

Dans 12 mois, les résultats des travaux des diverses tables seront présentés à la Table Québec-municipalités, une instance qui existe déjà dans la loi, mais que le gouvernement n’avait jamais prise au sérieux. Les deux parties se donnent donc une obligation de résultats, ce qui est un changement majeur.

La mairesse de Montréal a dit la semaine dernière que cette entente « ne marque pas la fin d’une négociation, mais le début d’un partenariat ». Nous saurons dans 12 mois si les villes avaient raison d’y croire.

1. Lisez l’article sur le nouveau pacte fiscal 2. Lisez la chronique publiée le 19 juin dernier Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue