Allô, les élus conservateurs du Québec !

Comment ça se passe pour vous ? Vous ne donnez plus de nouvelles depuis un bout. Avouez qu’on n’a pas été trop tannants non plus depuis la victoire de monsieur Poilievre comme chef de votre parti. On était un peu mal à l’aise, on compatissait presque avec vous. Votre défaite avec monsieur Charest, ouf !

Vous devez vivre des émotions en montagnes russes ces temps-ci, hein ?

Il n’y a pas longtemps, vous ne deviez pas être trop fiers de votre nouveau champion. Pas mal lourd, le gars !

Et tout d’un coup, boom ! Il se transforme, le monsieur Poilievre, dans le sens inverse d’un Hulk : change de tête, de look, après sa performance ordinaire aux dernières élections partielles, et quasiment dans les heures qui ont suivi – allô, la subtilité ! –, un nouvel homme est né. Le Messie, toé !

En plus, je ne sais pas qui lui a réaligné les synapses, mais ça vaut cher de l’heure !

Et ça marche ! Maudite bonne pub en français, j’avoue. Tu le voudrais quasiment comme beauf ! Après les conneries des derniers mois, c’est surprenant. Et c’est certain qu’il a aussi adopté une nouvelle marque de céréales le matin.

Évidemment, il n’y a rien comme un congrès où le message le plus important qui en sort est une thématique à l’américaine, à la Ron DeSantis, sur l’identité de genre. Ça pogne toujours, les histoires de sexe…

En tout cas, il a « scoré », votre chef. Même PSPP, dit « la politique différente », a embarqué dans son train sur le sujet en faisant le lien entre les toilettes non genrées à l’école et l’extrême gauche : Paul St-Pierre Poilievre !

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois, lors de la rentrée parlementaire à l’Assemblée nationale

Heureusement, notre ministre de l’Éducation a réussi pour une fois à ne pas s’enfarger dans un dossier. Le gouvernement du Québec gérera la question en fonction d’un « regard posé ».

Très sage et bravo !

Je tiens pour acquis qu’ils sont sincères, qu’ils ne nous préparent pas un autre virage pour du vote…

Vous devez être sur une montée de bonheur un peu complexe avec les derniers sondages, après nous avoir convaincus pendant la campagne au leadership que monsieur Poilievre était quasiment un danger public.

Mais bon, les prochaines élections sont au minimum dans deux ans. Peut-être qu’il fera de l’amnésie sur votre passé, mais je vous conseille d’être fins.

Et n’espérez pas que le NPD lâche le gouvernement Trudeau de sitôt, ils vont le garder au pouvoir.

Bon, c’est plate, mais je suis un esprit chagrin, je vois le verre à moitié vide.

J’ai le goût de dire que votre parti monte trop haut et trop vite dans les sondages. Ce genre d’élan, c’est exactement ce qu’on veut dans les derniers mois ou les dernières semaines avant le vote.

Sérieux, c’est long, deux ans ! Peut-être qu’on se fatiguera d’entendre le prêchi-prêcha de votre chef sur le pays cassé, autant qu’on n’écoute presque plus Justin.

Et vous ne pensez toujours pas que lui, Justin, va passer les deux prochaines années roulé en boule dans un coin à se morfondre ?

Comme ils ne sont pas regardants sur la dépense, les libéraux, croyez-vous vraiment qu’ils ne bougeront pas pour alléger le fardeau financier des Canadiens ? Ou sur l’habitation ?

Alors, je respirerais par le nez si j’étais vous.

Et en plus, j’ai le sentiment que votre homme est du genre à prendre la grosse tête rapidement avec les sondages, le pamplemousse, et va recommencer avec ses niaiseries, comme éructer contre la Banque du Canada et son président, ou vivre des coïts ininterrompus avec la cryptomonnaie.

(Soupir d’exaspération du chroniqueur, ici.)

On ne s’habitue pas à ce radotage trumpien.

Et, dites-moi, avec un tiers de collègues antiavortement, à ce qu’on dit, les caucus ne doivent pas être toujours rigolos. Vous êtes ce qu’on appelait jadis des Red Tories, maintenant des conservateurs sociaux.

Ces 30 % là vont-ils se sentir trop forts eux aussi, et recommencer à nous achaler les oreilles avec leurs délires contre l’avortement ? Ça vous pend toujours au bout du nez ça, les copains !

En passant, dans l’élection partielle de Portage–Lisgar, au Manitoba, en juin dernier, votre candidat élu et votre chef se sont lâchés lousses pour roter plus de nigauderies que Maxime Bernier, si tant est que cela était possible, et ils ont réussi ! Un exploit !

(Le chroniqueur lève les yeux au ciel.)

Et oui, je comprends que vous avez tous l’irrépressible envie d’être un jour ministres dans un gouvernement national, et que vous vous en croyez tous capables.

Vous avez raison d’espérer, quand on se rappelle que le premier ministre Harper a déjà nommé Maxime Bernier ministre des Affaires étrangères et Steven Blaney ministre de la Sécurité publique…

J’étais tellement fier de la voix de mon pays dans le monde et je me sentais tellement en sécurité !

Mais là, va falloir que vous sortiez de votre tanière, les amis ! On voudra savoir si vous appuyez les positions du patron. À moins que vous nous disiez qu’il ne pensait rien de ce qu’il a affirmé politiquement depuis le début de sa carrière ?

Parce qu’on vit au Québec, peuplé de pas mal moins de red necks que l’Ouest canadien. Votre positionnement va passer plus serré ici.

Et au prochain scrutin, arrangez-vous donc pour avoir une majorité solide, parce que je ne crois pas que les libéraux et le NPD vont vous laisser régner minoritaires. De grosses chances qu’ils se tricotent un gouvernement à eux deux, et consomment finalement le mariage.

Ah oui, j’oubliais ! Ça va avec le nouveau meilleur ami, monsieur Duhaime ? On vous sent un peu tièdes… En tout cas, lui, il vous aime toujours plus chaque jour que le bon Dieu amène !

(Le chroniqueur ricane comme une hyène.)

Entre nous

Agréable lecture cet été sur une bibitte qui m’a toujours impressionné : Jean Leloup : des grands instants de lucidité, par Olivier Boisvert-Magnen. Excellente formule sur les making-of.

Dans la même veine, une ancienne obsession qui m’est revenue. Ça date, je sais, sur YouTube : le solo de guitare de Prince et la voix de Jeff Lynne sur la toune de George Harrison, While My Guitar Gently Weeps. Oui, je me soigne !

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