À titre d’organisation riche détenant le monopole du sport professionnel à gros budget dans son marché, le Canadien est peu touché par la pression. Gagne ou perd, participation aux séries éliminatoires ou non, les partisans sont au rendez-vous, la couverture médiatique aussi. L’intérêt pour l’équipe ne se dément jamais.

Geoff Molson et ses partenaires copropriétaires profitent ainsi d’un atout exceptionnel. Peu d’entreprises touchent des revenus faramineux et jouissent d’une si grande popularité sans s’inscrire parmi les meilleurs de leur industrie.

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« Même si le Canadien s’en tire honorablement au classement, il lui manquera encore quelques points pour obtenir une place en éliminatoires », écrit Philippe Cantin.

Le Canadien n’a participé aux séries qu’une seule fois au cours des quatre dernières saisons, une élimination rapide au profit des Rangers de New York en 2017. Ces performances sans panache n’entachent en rien l’optimisme de la direction. À chaque rentrée, le regard confiant, ses membres déclinent sous une forme ou l’autre ces mots qui ont pris l’allure d’un mantra : « Si on atteint les séries, tout est possible ! »

Oublions un instant que cette théorie relève beaucoup de la pensée magique et concentrons-nous sur l’essentiel, c’est-à-dire la possibilité de se qualifier pour les séries. Les plus optimistes diront que le Canadien est venu à un cheveu de réussir le coup la saison dernière et que, porté par cet élan, il franchira cette étape cette saison.

Les bons arguments à l’appui de cette analyse ne manquent pas. Brendan Gallagher est un grand leader, Max Domi montre une fougue impressionnante et des gars comme Shea Weber, Phillip Danault, Jeff Petry et Paul Byron inspirent chacun à leur façon leurs coéquipiers. Ce n’est pas tout : Carey Price compte parmi les meilleurs gardiens de la Ligue nationale et des jeunes doués comme Jesperi Kotkaniemi, Ryan Poehling et Nick Suzuki poussent dans le dos des vétérans.

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Jesperi Kotkaniemi

Dans ce contexte, espérer que le Canadien relève ce défi n’est pas farfelu. Mais à moins d’une acquisition inespérée au cours des prochaines semaines, trop d’éléments jouent en sa défaveur pour croire en la concrétisation de ce scénario.

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À l’issue de la dernière saison, en évoquant les 96 points récoltés par son équipe, Claude Julien a déclaré : « Il y a d’autres équipes qui ont de moins bonnes saisons que nous dans l’autre conférence qui participent aux séries, et tu dois vivre avec. »

En effet. Et le scénario s’annonce semblable cette saison. Le format des séries éliminatoires n’a pas changé, et si cette remarque de l’entraîneur est juste, elle n’apporte aucun réconfort.

Dans sa propre division, comme le rappelait mon collègue Richard Labbé dans notre numéro d’hier, les adversaires du Canadien sont féroces. Peut-on vraiment penser que l’équipe devancera le Lightning de Tampa Bay et les Maple Leafs de Toronto au classement ? Non.

Et les Bruins de Boston restent de fabuleux compétiteurs, même si une baisse de régime est possible après leur défaite crève-cœur en finale de la Coupe Stanley.

Les Panthers de la Floride forment l’équipe la plus intrigante de la division. Avec tout leur talent, on attend leur éclosion depuis longtemps. L’arrivée de l’entraîneur Joel Quenneville et du gardien Sergei Bobrovsky pourrait servir d’élément déclencheur.

Si le Canadien termine cinquième de la division Atlantique — ma prévision —, il devra obtenir plus de points au classement que la quatrième équipe de la division Métropolitaine pour participer aux séries. Les Capitals de Washington, les Penguins de Pittsburgh, les Islanders de New York et les Hurricanes de la Caroline demeurent solides. D’autres équipes ont pris un virage intéressant : les Flyers de Philadelphie, les Rangers de New York et les Devils du New Jersey. J’ai peine à croire que seulement trois clubs de cette division seront du rendez-vous printanier.

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Le Canadien, on le sait tous, souffre d’un autre problème majeur : le pari Sebastian Aho n’a pas fonctionné et l’équipe ne s’est pas assez améliorée durant l’intersaison. Dans le sport professionnel, ça pardonne rarement.

Pour se glisser en séries, le CH aura besoin d’éviter les blessures à répétition. Ses meilleurs pointeurs de la dernière saison devront maintenir le rythme. Et Jonathan Drouin aura avantage à s’imposer de bout en bout du calendrier. Les prochains mois seront déterminants pour l’essor de sa carrière. Une seule personne peut l’aider à relever ce défi : lui-même.

Bien sûr, Carey Price volera quelques matchs à ses rivaux. Mais la défense du CH n’est pas entièrement convaincante et il trouvera certaines soirées plus longues.

Shea Weber est une présence impressionnante à la ligne bleue, mais il a ralenti. Et si Ben Chiarot est supérieur à Jordie Benn, la marge n’est pas extrême.

L’arrivée de Keith Kinkaid fournira-t-elle au Canadien un gardien réserviste fiable ? Trop tôt pour le savoir.

À moyen terme, l’espoir que le Canadien se transforme en équipe de pointe réside dans l’apport de trois jeunes très talentueux : Jesperi Kotkaniemi, Nick Suzuki et Ryan Poehling. Mais il serait absurde de leur demander de faire pencher la balance dès maintenant. Ils sont prometteurs, mais leur apprentissage commence à peine.

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Le Canadien forme une équipe intéressante. Et l’équipe nous offrira des matchs divertissants… si elle garde la pédale au plancher comme la saison dernière. Conserver ce niveau d’enthousiasme sera cependant difficile en cas de mauvais départ. Voilà pourquoi le mois d’octobre est si important : les performances du CH en lever de rideau donneront le ton dans un sens ou l’autre.

Mais même si le Canadien s’en tire honorablement au classement, il lui manquera encore quelques points pour obtenir une place en éliminatoires. Et à la rentrée de septembre prochain, on entendra encore ses dirigeants nous assurer : « Si on atteint les séries, tout est possible ! »

La bonne nouvelle, c’est que cette fois, en raison de l’expérience que les meilleurs espoirs acquerront au cours des prochains mois, ces mots ne relèveront pas de la simple pensée magique.