Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à l’humoriste Mariana Mazza.

Aujourd’hui, c’est la fête des Mères.
La fête des madames qui ont sorti un humain de leur corps.
Un humain qui a incubé neuf mois.
Les madames qui ont eu mal au cœur. Ont vomi.
Mangé des choses weird.
Sont devenues des monstres hormonaux.
Qui ont pris beaucoup de poids.
En ont perdu.
Ont adoré être le vaisseau spécial de quelqu’un, encore inconnu.
Ont détesté se faire tasser les organes par une fève germée qui prendra beaucoup de place.
Celles qui ont dû rester couchées. Tout le long.

C’est la fête des madames qui ont crié.
Déchiré.
Hurlé.
Pleuré.
Soufflé.
Pleuré.
Aimé.
Fort.
Trop fort.

C’est la fête des femmes qui ont fait un humain.
Qui a été créé par amour.
Par désir.
Par passion.
Des fois par malchance.
Des fois par erreur.
Des fois par obligation.
Des fois dans d’atroces conditions.
De l’amour mal contrôlé.

On célèbre la femme qui a accepté de garder en elle quelque chose qui deviendrait son tout.
Son univers.
Sa raison de vivre.
Son obsession.
Son oxygène.

Il y a celles qui l’ont été quelques jours.
Quelques semaines.
Quelques mois.
Quelques heures.
Elles l’auront tenu dans leurs bras.
Juste un peu.
Après, il partira.
Il retournera dormir.
Longtemps.

Même si leur statut aura été éphémère, elles le resteront.
Même si elles n’ont jamais vu le miracle défoncer leur corps ouvert et fragile.
Même si le miracle est reparti trop vite.
Même si tout.

On donne des fleurs à celles qui ont fait le choix de se multiplier.
Se séparer d’elles-mêmes. Qui ont accepté que ça change.
Elles ne devront jamais dormir.
On célèbre un humain qui plus jamais ne sera sa propre priorité.
Ce sera quelqu’un d’autre qui occupera ses pensées. Toujours. Pour la vie.

C’est la fête de celles qui ont eu la chance de pouvoir changer de statut social.
Pour certaines, ça a été facile.
Elles se sont fait appeler « Maman » neuf mois après avoir essayé une fois. Bullseye.
Un tir.
Un peu chaud, du Barry White qui joue en trame de fond. Pif paf. Le lendemain, coucou, j’arrive, maman. Pour d’autres, ça a été plus long.
Des mois, des années.
Une piqûre.
Des piqûres toutes les semaines.
Des rendez-vous interminables.
Des chicanes de couple récurrentes.
Une séparation imminente.
Elles ont prié le monsieur qui habite dans les nuages. En pleurant. En perdant espoir.
Et un miracle. Quand elles ont lâché prise, en vacances, dans la douche. Sur le sofa.
Dans la toilette du casse-croûte miteux.
Un miracle.

Il y a les mères qui hanteront leurs mères.
Qui vont les prier.
Les pleurer.
Les regretter.
Les mères de nos mères.

Et il y a les autres. Celles qui ne pourront jamais se faire appeler maman.
Petite maman d’amour. Mom. Mommy. Mama.
Celles qui seront envieuses éternellement de la chance des autres.
Qui se taperont sur la tête en répétant que leur corps est trop faible pour porter la vie.
Qui pleureront en cachette. Ou non.
Qui ne vont jamais vivre leur rêve. Elles le reverront. Toujours.

Y a les mères qui vont regretter.
Elles n’en voudront plus.
Vont abandonner. L’abandonner. Quitter le jeu. Ne jamais regarder en arrière.
Par peur. Par dégoût. Par maladie.

Ou vices.
Ce sera viscéral.
Ces vices trop forts pour faire marche arrière.
Celles qui vont le déposer devant une porte.
Dans la rue. Ailleurs qu’avec elles.
Celles qui n’auront jamais les outils pour essayer. Une toute petite dernière fois.

Aujourd’hui, c’est la journée dans l’année où on dit je t’aime et merci à toutes les mères.

Et il y a les autres mères. Celles qui n’ont jamais accouché.

Y a les mères qui ne voudront pas porter la vie.
Elles voudront s’occuper de la vie portée par une autre. Sans avoir à le sortir de leurs tripes.

Les mères de chien.
J’entends les soupirs. Je m’en fous.
Les mères de chat.
D’oiseau.
De cochon domestique.
De poisson.

Ça ne les empêchera pas d’aimer avec leurs tripes.
Aimer comme une mère, sans porter le fruit d’un désir.

À toutes vous.
Les mères adoptives.
Les mères spirituelles.
Les consciences divines.
À toutes les marraines.
Les tantes.
Les cousines.
Les sœurs.
Les filles.
Les gardiennes.
Les voisines.
Les anges.
Les grands-mères.
Les belles-mères.
Les mères.

Bonne fête des Mères.
Bonne fête, Mom.

P.-S. : Y a aussi les pères. Mais comment dire... ce n’est pas votre journée.

Qui est Mariana Mazza ?

Née à Montréal-Nord en 1990, Mariana Mazza est humoriste, actrice et auteure. En humour, elle a notamment remporté l’Olivier de l’année en 2017 et 2022. Régulièrement invitée à la télévision (La tour, Bonsoir bonsoir, LOL : qui rira le dernier ?) en plus de jouer de façon régulière dans des séries (L’aréna), on l’a aussi vue au grand écran notamment dans Ligne de fuite. Elle a publié en 2022 le roman Montréal-Nord, qui s’inspire de l’enfance de celle qui est née d’une mère libanaise et d’un père uruguayen. Elle vient de terminer la tournée de son deuxième spectacle solo, Impolie – Pardonne-moi si je t’aime.

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