Dans son livre Les déclinistes, Alain Roy démonte la rhétorique tordue des tenants du « grand remplacement », Éric Zemmour et Mathieu Bock-Côté en tête.

Le grand remplacement, vous connaissez ?

Cette théorie avance que la France serait en train de subir un « changement de peuple » au profit de populations africaines et arabes. Que si rien n’est fait, le pays deviendra majoritairement musulman, tandis que les Français « de souche » seront minoritaires.

L’enjeu de l’immigration est certes réel dans l’Hexagone – comme dans d’autres pays occidentaux, d’ailleurs.

Mais cette thèse conspirationniste, lancée en 2010 par Renaud Camus, étonne tout de même par sa radicalité.

Plus étonnant encore : elle n’a cessé d’être récupérée par d’autres penseurs, qui la modulent et l’enrichissent à leur façon, lui permettant d’infuser la société mainstream et de s’imposer comme un concept d’extrême droite en vogue, voire comme un programme politique.

C’est pour freiner ce « grand rayonnement » que le Québécois Alain Roy a décidé de s’attaquer aux promoteurs de cette théorie controversée.

En 150 petites pages, l’auteur remet en cause les écrits de Renaud Camus (Le grand remplacement), mais aussi du politicien Éric Zemmour (Le suicide français), de l’auteur Michel Houellebecq (Soumission), des philosophes Michel Onfray (Décadence) et Alain Finkielkraut (L’identité malheureuse) et du sociologue québécois Mathieu Bock-Côté (Le multiculturalisme comme religion politique), devenu la coqueluche des médias de droite français.

Alain Roy avance méthodiquement. Décortique les argumentaires des uns et des autres. Critique leur intolérance. Leur mauvaise foi. Leurs raccourcis intellectuels. Leurs faiblesses réflexives.

Alain Roy dénonce le manque de données factuelles chez Camus et Finkielkraut. Varlope le discours victimaire et paranoïaque de Zemmour (en s’étonnant au passage qu’il ait pu briguer la présidence de la République). Souligne la rhétorique tendancieuse de Bock-Côté. Signale les incohérences de Houellebecq et les contradictions d’Onfray.

« Leurs ouvrages se présentent comme des essais documentés, mais ils représentent surtout des pamphlets remplis de fumisterie, conclut-il à la fin de son ouvrage. Ce qui les anime, c’est moins le désir de comprendre la nature des phénomènes discutés que le désir d’attaquer l’objet honni. »

Alain Roy n’est pas le premier à dénoncer les thèses xénophobes, voire racistes, de ces intellectuels contemporains. En France, les journaux et les médias de gauche n’ont cesse de tirer la sonnette d’alarme, alors qu’on assiste là-bas à une inexorable montée de l’extrême droite. Mais il a le mérite de grouper le tir dans un seul et même ouvrage, facilitant du coup notre vision d’ensemble. L’argumentaire est simple, accessible, quoique l’auteur se laisse parfois emporter par sa propre subjectivité et son jugement personnel. Quand le jupon dépasse trop, le risque est de ne prêcher que les convertis…

On peut s’étonner, enfin, que l’exercice soit réalisé par un Québécois. Mais il faut rappeler que les théories déclinistes ne sont pas exclusives à la France. Selon un sondage de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme rendu public en 2022, environ 15 % des Québécois adhéreraient à la théorie du « grand remplacement ».

Selon le dernier recensement (2021), la population musulmane au Canada serait d’environ 5 %.

Extrait

« Le discours décliniste est tout pétri d’une émotivité exacerbée qui empêche l’examen posé et réfléchi des questions soulevées. Balançant entre l’hystérie, la paranoïa, la haine, la peur et la dépression, ce discours donne surtout l’impression d’un défouloir pour esprits agités, voire instables. »

Qui est Alain Roy ?

Alain Roy est fondateur et directeur de la revue L’Inconvénient, auteur de cinq livres publiés chez Boréal et lauréat du prix du Gouverneur général 2012 pour sa traduction de la biographie de Glenn Gould.

Les déclinistes

Les déclinistes

Écosociété

152 pages

Qu’en pensez-vous ? Donnez votre opinion