Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Caroline Monnet.

Le plus souvent, nous grandissons dans la peur de l’inconnu, la peur de l’autre. Nos parents nous ont appris à ne pas parler aux étrangers. Nos relations sociales et notre culture façonnent nos peurs individuelles. La peur viendrait donc d’un processus d’apprentissage...

Pourtant, personne ne souhaite vivre dans la peur. Elle occupe l’esprit et s’immisce aussi parfois dans le corps. Elle s’accompagne d’émotions négatives comme l’anxiété, la nervosité et le doute de soi.

Nous vivons à une époque où les sociétés sont divisées et où la montée de l’extrémisme est alimentée par la peur, un sentiment qui est un outil puissant. Il est utilisé politiquement et culturellement pour nous manipuler, nous persuader ou nous dissuader. La peur, c’est quand les gens ont l’impression que les droits des autres sont en train de subvertir leurs propres droits.

Nous nous racontons des histoires et nous cherchons des excuses pour éviter d’affronter nos peurs. Nous nous en prenons aux minorités parce que nous ne voulons pas prendre nos responsabilités. Et nous craignons tout ce qui pourrait perturber le confort de nos vies.

La peur amène les gens à construire des murs, à bloquer les frontières, à refuser l’accès au pays et à séparer des familles. La peur oblige les gens à suivre en ligne, dans l’ordre, à faire comme tout le monde. La peur enraye l’émancipation. La peur provoque le racisme et la discrimination.

La peur peut être utilisée pour détourner la vérité, pour donner aux mots une charge qui dépasse la réalité. Ils disent : « C’est pour votre sécurité. Pour la sécurité du pays. »

Dans certains cas, bien sûr, la peur est un sentiment trop familier.

Nous craignons que nos jeunes se suicident à un rythme astronomique dans les communautés autochtones d’Amérique du Nord. En tant que femmes, nous craignons de marcher seules dans les rues la nuit. Nous craignons d’oublier nos langues et nos savoirs traditionnels.

Nous craignons d’oublier notre passé et de ne pas pouvoir avancer.

Je ne suis pas nostalgique du passé. D’une époque où, en tant qu’Autochtones, nous n’avions pas le droit de vote. D’une époque où nous n’étions pas conviés à la table où se prennent les décisions. D’une époque où nous n’étions pas reconnus comme faisant partie de ce pays. Étions-nous si redoutables qu’il fallait nous exclure complètement ?

L’idée que la peur nous a aidés à nous maintenir en vie n’est plus d’actualité. Cela ne nous maintient plus assez en vie. Le monde change de plus en plus rapidement, et nous sommes parfaitement conscients qu’il continuera à changer de plus en plus vite.

Et pourtant, nous ne faisons rien. Nous continuons à consommer la Terre. Nous construisons davantage de pipelines sur les terres autochtones, et il n’y a toujours pas d’eau courante dans de nombreuses communautés autochtones du Canada.

La peur ne peut empêcher les catastrophes.

Au lieu de nous figer dans la peur, nous pourrions explorer les possibilités pour l’avenir. Reconnaître que les différences nous font grandir. Que si nous sommes entourés des mêmes préjugés que les nôtres, des mêmes opinions, des mêmes points de vue, nous commençons à stagner. Que lorsque nous savons qui nous sommes, d’où nous venons et notre sens des valeurs, nous nous sentons plus forts dans notre identité.

Et quand nous avons confiance en notre identité, nous avons moins peur de l’autre. Nous pouvons rêver d’amitiés, de confiance et de loyauté pour neutraliser les sentiments de solitude et d’ignorance.

Dans une tentative d’amnésie de masse, je propose d’oublier l’émotion de la peur, ce sentiment désagréable causé par la croyance que quelqu’un ou quelque chose est dangereux ou nous menace. Aujourd’hui, je prends le parti d’oublier la peur et je la remplace par la confiance, la joie, le calme et le courage.

Nous avons une responsabilité collective pour notre avenir. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire, tous ensemble, pour affronter l’avenir sans peur ?