Depuis quelques années, il y a une multiplication d’émissions de débats (et d’engueulades) sur l’actualité avec des panélistes permanents, et je n’ai rien contre, mais je demeure une fidèle de l’émission 24/60 animée par Anne-Marie Dussault à RDI, qui a entamé sa 15saison le 20 octobre dernier.

Ça fait donc 15 ans que je soupe avec Anne-Marie Dussault dans ma télé, ce qui m’a donné envie de prendre un café avec elle. Au fond, elle est un peu mon repère dans l’actualité, et j’ai beaucoup d’admiration envers celle qui doit aborder, cinq soirs par semaine, en direct, les sujets de l’heure. Pour d’autres, ce serait un rythme infernal, mais elle est comme un poisson dans l’eau dans ce créneau. Il faut dire qu’elle passe ses journées dans l’information, dès l’aube avec la lecture des journaux, en écoutant la radio et en regardant la BBC ou CNN, et elle ne se couche pas le soir sans avoir regardé le Téléjournal, après avoir animé 24/60. Bref, une vraie « news junkie », comme on dit.

Je reste à l’affût tout le temps, résume-t-elle. Mon but est d’essayer, à travers l’information que j’absorbe, de détecter les forces d’un sujet, son intérêt, sa pertinence, pour ensuite repérer les bonnes personnes pour en parler. C’est ça, notre métier. Les gens nous disent régulièrement qu’ils aiment notre émission parce qu’on n’est pas dans l’opinion, ou le débat futile. On aide à comprendre un sujet.

Anne-Marie Dussault

Anne-Marie Dussault ne touche pratiquement pas aux réseaux sociaux, préférant laisser cette zone à son équipe de recherchistes. « Ils ne me lisent pas tout ce qu’on reçoit [rires]. Je ne vais pas trop voir les trolls, ceux qui contredisent constamment et font une interprétation négative de tout. Je me suis fait traiter de ‟salope” moi aussi, mais ça ne me dérange pas, car je ne suis pas là-dessus. »

N’empêche, la désinformation et les attaques contre les médias, elle trouve ça inquiétant et déplore ce qui est arrivé en Russie, pays que sa collègue, la correspondante Tamara Alteresco, a dû quitter parce qu’il était trop dangereux d’y rester comme journaliste. « Je tiens à mes convictions, soit que l’information est essentielle à notre société et à une saine démocratie, dit-elle. Je me nourris à des médias crédibles, où les journalistes risquent leur vie, fouillent les sujets. Notre tâche est de faire adhérer le plus possible les citoyens à ce qu’on fait comme travail. »

Sauf qu’elle tient à rester humble, ajoute-t-elle, parce qu’elle travaille dans « le confort d’un studio », au contraire des journalistes de terrain. « Il y a des médias et des journalistes extraordinaires. Ils sont précieux dans notre société, ce n’est pas un cliché de le dire, car sans eux pour nous apprendre ce qui s’est passé par exemple à Hockey Canada, ce qui arrive dans la santé ou l’éducation, sans les enquêtes journalistiques qui révèlent les fractures de nos sociétés, ce serait dramatique. On est encore plus un chien de garde qu’avant, parce que l’information doit confronter l’absence de transparence de nos gouvernants. »

Avec autant d’expérience dans le métier, Anne-Marie Dussault ne s’assoit pas sur ses lauriers. Elle pourrait être très sûre d’elle, mais à son avis, c’est « le pire piège ». « Il faut vraiment que j’intériorise l’information. Je ne peux pas faire du surf, ça m’insécuriserait énormément. Quand j’ai fait mon droit il y a 50 ans, ce qu’on m’a enseigné est que ce n’est jamais une expédition de pêche, il faut presque connaître la réponse autant que la personne qu’on interroge. En journalisme, il faut être capable d’appréhender les réponses qui vont nous être faites pour savoir ce qu’elles pourraient amener comme sous-questions. Je ne fais pas seulement le où, quand, comment et pourquoi. »

Un cadeau du ciel

Au moment de notre rencontre au café Eugène, l’histoire de Hockey Canada déboulait avec la démission du conseil d’administration, alors qu’elle sortait à peine de la dernière campagne électorale, qui n’était certainement pas sa première. « Je l’ai trouvée longue, cette campagne-là, avoue-t-elle. Parce que les enjeux tournaient tous autour des mêmes questions, encore une fois. Mais en même temps, j’ai aimé la suivre tous les jours, c’était très stimulant de ce point de vue là. »

Elle admet être accro à l’adrénaline et à la télé en direct, ce qu’est 24/60, une émission qui, à l’origine, devait être animée par Patrice Roy avant qu’il ne soit appelé à la barre du 18 h. Ce mandat a été un cadeau du ciel pour Anne-Marie Dussault. « Il y a 15 ans, j’avais 54, 55 ans, et on peut se demander à ce moment-là quel est notre avenir en information. Alors pour moi, 24/60 a été comme une renaissance. Je suis au cœur de la tempête tous les jours, j’ai la confiance de la direction, je suis donc très heureuse. »

Ça fait 43 ans que je fais ce métier, je n’ai pas de lassitude, pas d’essoufflement, je pense que j’ai cette énergie et cette curiosité de continuer tant que la direction le voudra. Ils le savent, d’ailleurs.

Anne-Marie Dussault

Si j’étais patronne, je l’embaucherais pour 15 ans de plus, mais je parle comme une téléspectatrice, ça ne compte pas. Je me demande quand même ce que fait Anne-Marie Dussault quand elle veut se détendre. « Rien. Rien du tout. Promener mes chiens, voir mes amies, mes proches, dans un petit resto le samedi ou le dimanche midi, et voir ma petite-fille évidemment. » Cette petite-fille a 14 mois, et un deuxième petit-enfant s’en vient, ce qui change un peu la donne pour elle et son mari Marc Laurendeau, avec qui elle est en couple depuis bientôt 44 ans. « C’est sûr que dès que le téléphone sonne pour me dire de venir faire un tour, c’est oui ! Ça fait réfléchir sur prendre le temps de vivre et d’être près des gens qu’on aime. Je ne pense pas que je vais me priver de ce côté-là. »

Questionnaire sans filtre

Quel est votre rapport au café ? C’est presque une hypothèque. J’en bois beaucoup. Je dois être rendue à mon sixième ou septième aujourd’hui. J’adore le café, c’est ma drogue !

Quels sont à votre avis les sujets d’actualité à suivre dans les prochains mois ? Les élections aux États-Unis. Et évidemment, la guerre en Ukraine. Dans les sujets nationaux, je pense qu’il ne faut pas détourner le regard de ce qui se passe en santé et en éducation. Il n’y a pas de solution miracle, mais lorsqu’on voit jour après jour des histoires qui révèlent les disparités et l’injustice … On en a, de la misère, ici.

Vos pires souvenirs d’entrevues ? Catherine Deneuve. Elle nous avait fait poireauter pendant 1 h 30 min et quand elle est arrivée, elle était froide et bête envers l’équipe. Un vrai moment de diva, je ne vois plus Catherine Deneuve de la même manière. Même chose avec la duchesse Sarah Ferguson ; on avait attendu pas loin de deux heures parce qu’elle avait décidé de se laver la tête. C’est là que je me suis dit : « Ne touche pas à ça, tes sujets, c’est l’actualité, pas le showbiz. »

Vos entrevues les plus marquantes ? Omar Khadr, car ce fut long pour établir la confiance. Edward Snowden, à qui j’aimerais reparler maintenant qu’il est désigné citoyen russe — je ne sais pas comment il se sent là-dedans. Et Robert Latimer, un homme fort et courageux qui vit encore sous les contraintes des libérations conditionnelles.

Qui est Anne-Marie Dussault ?

  • Né le 19 avril 1953.
  • Elle a fait ses études en droit à l’Université Laval.
  • Dans sa carrière journalistique, elle a travaillé notamment aux émissions Contrechamps, Le Point, Droit de parole, L’effet Dussault, Au cœur de l’actualité et Tout le monde en parlait. Elle anime 24/60 depuis 2008.
  • Elle est la conjointe du journaliste Marc Laurendeau depuis 44 ans. Le couple s’est marié en 2016.