Chaque semaine, un de nos journalistes vous présente un essai récemment publié.

Si la viande fait partie de notre patrimoine culinaire, son hégémonie tire à sa fin, croit Sylvain Charlebois. Dans son plus récent essai, l’expert en agroalimentaire dessine les contours de l’avenir de notre alimentation qui sera riche en protéines végétales… et peut-être même en grillons !

Bœuf haché ou Beyond Meat ? Nul besoin de choisir son camp. Puisque ce n’est pas dans une guerre de tranchées protéinique que le directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie nous convie avec La révolution des protéines – Sauver la planète un repas à la fois. Comme pour éviter de se faire reprocher tout parti pris, il précise d’entrée de jeu être un omnivore qui, « s’il est amoureux de la viande, des œufs et du bon fromage », savoure aussi « volontiers, à l’occasion, un bon repas végé ».

En fait, il n’est pas différent de bon nombre de consommateurs, pas encore prêts à passer outre au comptoir de la boucherie à l’épicerie, mais préoccupés par l’impact de leurs choix alimentaires sur leur santé, leur portefeuille, l’environnement et le bien-être animal. Mais combien sont prêts à faire le saut vers un régime végétarien ? Selon un sondage de l’Université Dalhousie mené en 2021, « 91 % des Canadiens consomment de la viande, et plus de 60 % d’entre eux en mangent au moins quatre fois par semaine ». On est loin des recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui, dans son plus récent rapport, suggérait aux Canadiens de se limiter à un repas à base de viande par semaine.

La révolution est en marche, mais elle est encore douce dans les cuisines. Pour combien de temps encore ? Les ventes en volume de bœuf à l’épicerie ont chuté de plus de 6 % depuis le milieu de 2021, souligne l’auteur. Le marché mondial de la protéine végétale pourrait quant à lui doubler d’ici 2026, selon un rapport du groupe Market Data Forecast.

Pour Sylvain Charlebois, il n’y a aucun doute qu’une transition vers les protéines végétales s’amorce, non sans heurter l’industrie carnée qui a un poids économique et politique important et les producteurs de viande qui sont attachés à leurs produits et sont des piliers de l’économie rurale.

« Qu’allons-nous faire avec nos producteurs et toutes ces terres cultivables, qui ne seront pas toutes consacrées à d’autres cultures végétales ? », demande Sylvain Charlebois.

Cet essai nomme bien quelques enjeux posés par la transformation de notre assiette, mais pour approfondir le sujet, il faudra chercher ailleurs. C’est plutôt un regard sur l’évolution de nos habitudes alimentaires que pose l’auteur, à travers de nombreuses données et de brefs retours sur les différentes crises qui ont ébranlé ce secteur (la vache folle, la listériose chez Maple Leaf et E. coli chez XL Foods).

L’ouvrage invite aussi à un début de réflexion sur l’impact de nos choix et propose un aperçu de ce que nous consommerons dans les prochaines années. Des protéines végétales, oui, mais la viande de laboratoire est aussi à nos portes. L’agriculture cellulaire sera la prochaine révolution dans notre alimentation, prédit Sylvain Charlebois. À Singapour, il est déjà possible de manger de la viande de poulet créée en laboratoire à partir de cellules souches. Le futur n’est pas si lointain.

Extrait

Bien sûr, plusieurs agriculteurs résistent et considèrent que l’incompréhension des citadins envers l’agriculture mène à la dérision. Les omnivores parmi nous résistent aussi et prétendent que certains détracteurs exagèrent. Peut-être, mais le tsunami de protéines végétales indique que notre relation collective avec les animaux change. Quoi qu’il en soit, en reconnaissant l’hétérogénéité du marché des protéines, nous permettrons à l’industrie d’innover et d’offrir quelque chose de différent.

Qui est Sylvain Charlebois ?

Sylvain Charlebois est professeur à la faculté de gestion de l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il dirige aussi le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie. Il est également l’auteur de Poutine nation, paru en 2021, et signe régulièrement des chroniques dans La Presse.

La révolution des protéines – Sauver la planète un repas à la fois

La révolution des protéines – Sauver la planète un repas à la fois

Les Éditions de l’Homme

208 pages