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Pour les véhicules électriques, je rêve d’un « bloc-batterie » facilement accessible et échangeable. Votre batterie est épuisée, vous l’échangez contre une batterie chargée à bloc au garage… que le garagiste rechargera après votre départ ! Ce serait une solution au temps de recharge aux bornes. Les compagnies s’orientent-elles vers un format unique (style piles AA pour lampes de poche) qui permettrait cela ?

Michel Bellemare

Vous êtes loin d’être le seul à avoir eu cette idée ! Elle a perdu en popularité au fil des ans et comporte son lot de détracteurs, mais reste néanmoins vivante. Ce que vous décrivez est même déjà en application en Norvège et en Chine, notamment.

Comme vous l’écrivez, l’idée d’échanger la batterie au lieu de la recharger évite l’attente de la recharge. Le principe rappelle celui de la bonbonne vide de propane pour le BBQ qu’on échange contre une pleine à la station-service.

L’autre avantage est que la batterie représente encore le gros du coût d’un véhicule électrique. Dans un modèle de vente où la batterie n’appartient pas au propriétaire, il est possible de vendre le véhicule beaucoup moins cher, puis de facturer les recharges ou d’instaurer un système d’abonnement. Cela pourrait faciliter l’adoption des véhicules électriques, encore plus chers que leurs versions à essence.

Lancée en grande pompe en 2007, l’entreprise américano-israélienne Better Place a voulu faire exactement cela. Forte d’un partenariat avec le constructeur Renault et appuyée par l’ancien président d’Israël et Prix Nobel de la paix Shimon Peres, la boîte a récolté près de 900 millions de dollars américains et déployé des stations d’échange en Israël, en Australie, au Danemark et à Hawaii, notamment.

La technologie fonctionnait avec les voitures Fluence Z. E. de Renault. Les conducteurs n’avaient qu’à se garer dans les stations. Sous le plancher, des robots s’affairaient à retirer la batterie déchargée et à la remplacer par une batterie entièrement chargée en cinq minutes tout juste.

Malheureusement, Better Place a connu une fin spectaculaire et s’est placée à l’abri des créanciers en 2013. L’échec a principalement été attribué à la mauvaise gestion ; l’entreprise aurait sous-estimé le coût de déploiement de ses stations et aurait lancé des opérations dans trop de pays à la fois.

Depuis, l’idée a beaucoup perdu de sa popularité. Tesla, notamment, s’est penché sur le concept avant de l’abandonner.

« Le contexte technologique évolue si rapidement que cette solution est de moins en moins intéressante », juge par exemple Daniel Breton, président et directeur général de Mobilité Électrique Canada.

Il souligne qu’en 2012, il fallait une heure de recharge pour mettre 30 km d’autonomie sous le capot d’une voiture électrique. Aujourd’hui, avec les bornes les plus performantes, on peut emmagasiner 400 km en 20 ou 30 minutes. Cela réduit l’attrait pour l’échange de batteries.

Les détracteurs font aussi remarquer qu’une telle solution nécessite un nombre très élevé de batteries. En plus de toutes celles qui sont dans les véhicules, d’autres batteries doivent attendre dans les stations d’échange. Cela entraîne des coûts supplémentaires qui, au bout du compte, finissent par se répercuter sur le consommateur.

Le problème de l’interchangeabilité entre les modèles que vous évoquez dans votre question est aussi un obstacle. Aujourd’hui, les constructeurs ne sont même pas capables d’uniformiser leurs prises de recharge. Alors, non, leurs batteries ne sont pas de format unique comme les piles AA des lampes de poche.

Malgré ces bémols, le rêve de l’échange de batteries n’est pas mort. Le constructeur de voitures électriques chinois Nio possède plus de 800 stations d’échange en Chine et a commencé à en déployer en Norvège.

L’entreprise en démarrage californienne Ample croit aussi pouvoir percer le marché en changeant les « modules » de la batterie plutôt que la batterie complète. Selon l’entreprise, la technologie pourrait fonctionner avec n’importe quel modèle de véhicule électrique. Les investisseurs semblent y croire, la jeune pousse étant déjà évaluée à près de 1 milliard de dollars américains. Un partenariat avec Uber a notamment été signé.

Selon Daniel Breton, l’échange de batteries pourrait aussi être intéressant pour les véhicules lourds qui parcourent de longues distances, puisque leurs batteries nécessitent un temps de recharge plus long.