Après 40 ans de carrière dans l’univers des sports, Marie-José Turcotte prend une retraite bien méritée. La journaliste et animatrice de Radio-Canada a défoncé bien des portes, avec discrétion et humilité. Son plan de match pour les prochains mois : se déprogrammer d’un métier qui carbure à l’intensité.

Si Marie-José Turcotte avait suivi sa première idée, ce n’est pas comme cheffe d’antenne des Jeux olympiques qu’elle aurait parcouru la planète, mais plutôt comme reporter. « J’étais une petite intellectuelle qui lisait Le Devoir dans le métro en allant à l’école et qui s’intéressait à la politique internationale », lance cette diplômée en histoire de l’Université de Montréal.

Ce rêve de devenir correspondante internationale, elle l’a caressé longtemps. Jusqu’au jour où, lorsqu’elle était remplaçante à RDI durant la période des Fêtes, le patron de l’époque a coupé court à ses ambitions en déclarant que « jamais quelqu’un des sports ne passerait à l’information ! » Des années plus tard, Marie-José Turcotte a la délicatesse de ne pas le nommer, ce qui en dit long sur la réserve de cette femme qui n’a finalement aucun regret à propos de son cheminement professionnel. « J’ai adoré mon travail », assure-t-elle, encore étonnée de recevoir autant d’attention alors qu’elle part à la retraite après une riche carrière de 40 ans à Radio-Canada.

Marie-José Turcotte n’a jamais revendiqué son statut de pionnière, même si c’est ce qu’elle a été. Première et seule femme aux sports de Radio-Canada pendant longtemps, première femme à y animer une émission sportive, elle a ouvert la voie. L’animatrice se souvient encore de sa première participation à l’émission du matin de Joël Le Bigot, morning man de l’époque à Radio-Canada. « Il m’avait présentée en disant : ‟Mesdames et messieurs, nous allons vivre un moment historique. Pour la première fois, une femme va faire les nouvelles du sport [rires].” J’étais un peu décontenancée. » Elle poursuit : « Je pense que je me suis mis volontairement des œillères. On m’offrait des choses intéressantes et je les faisais en me disant : le jour où ça ne marchera plus, je m’en irai. »

Ce jour-là n’est jamais venu. Marie-José Turcotte s’est taillé une place parmi des collègues plus grands que nature – les Richard Garneau, Jo Malléjac, Jean Pagé et compagnie –, des hommes qui en menaient large à une époque où les sports étaient la vache à lait de Radio-Canada.

J’avais l’innocence de mon arrogance, et l’arrogance de mon innocence. J’étais le genre à défoncer des portes puis à me questionner après.

Marie-José Turcotte

Son professionnalisme et son éthique de travail ont fait sa réputation. On pourrait ajouter à ces qualités sa grande discrétion. En effet, vous ne verrez jamais Marie-José Turcotte dans les journaux à potins ou dévoilant la nouvelle déco de sa cuisine. « Je n’ai pas à exposer mes proches parce que j’ai choisi un métier public », lance-t-elle.

L’humain avant tout

Elle l’a raconté à Tout le monde en parle le 13 mars dernier, Marie-José Turcotte a entrepris sa carrière professionnelle à la station régionale d’Edmonton de Radio-Canada. Mais ses premiers pas dans les médias, elle les a faits à la radio communautaire CIBL, à l’époque où le groupe humoristique RBO y débutait lui aussi. « Je partais en transports en commun couvrir l’actualité municipale avec mon magnétophone en bandoulière, se souvient-elle avec amusement. C’était une bonne école. »

À Edmonton, où elle est restée trois ans à titre d’animatrice du matin, elle a touché à tout. « J’adore la musique, dit-elle. J’ai même animé une émission jazz. » (Allô, ICI Musique ! À quand une carte blanche à Marie-José Turcotte ?). Mais quand Montréal a fait appel à ses services pour couvrir la Coupe Grey, c’était le signal qu’elle attendait pour revenir dans la métropole pour de bon.

Tout au long de sa carrière, plusieurs hommes lui ont ouvert des portes, dont le réalisateur Jacques Viau. « Je ne sais pas ce qu’il voyait en moi que je ne voyais pas, mais c’est grâce à lui que j’ai animé L’univers des sports, affirme-t-elle. C’est également lui qui m’a confié l’animation de mes premiers Jeux olympiques. »

Marie-José Turcotte a toujours porté un intérêt particulier au sport féminin, qui peinait à faire parler de lui.

La couverture du sport féminin évolue, mais c’est long. Je me souviens dans mes débuts, c’était même dans l’ordre des nouvelles dans le bulletin des sports. Les femmes passaient toujours en dernier, quand on en parlait.

Marie-José Turcotte

Finalement, c’est en s’intéressant à l’humain derrière le sportif que Marie-José Turcotte s’est distinguée de ses collègues. « À l’époque, des reportages aux sports, ça n’existait pas, raconte-t-elle. Moi, j’avais un esprit journalistique. J’ai proposé à mes patrons de faire un reportage sur André Viger pour raconter qui il était. Plus tard, j’ai proposé des portraits d’athlètes olympiques. Mes patrons m’ont toujours donné le feu vert. »

Je lui fais remarquer que les journalistes sportifs sont les plus grands émotifs que je connaisse, leurs reportages vous arrachent toujours une larme… « Le sport, c’est de l’émotion pure ! Ou tu gagnes et c’est une grande joie, ou tu perds et alors c’est catastrophique et tu vis une peine extraordinaire. C’est toujours vraiment intense. »

Questionnaire sans filtre

Le café et moi : Ma routine du matin, c’est un café corsé avec un peu de lait, ma tablette et mes journaux. Parfois un deuxième café après le lunch.

Les gens que j’aimerais réunir à un souper, morts ou vivants : Il y aurait deux tables. La première avec mes parents, pour leur poser toutes les questions que je ne leur ai pas posées. Je le dis souvent à ma fille : pose-moi des questions, car je ne serai pas toujours là. À l’autre table, il y aurait Simone de Beauvoir, que j’ai beaucoup lue, Charlie Chaplin, un artiste tellement complet (tout le monde devrait voir ou revoir son film Le dictateur), et Miles Davis, que j’ai eu la chance de voir une fois en spectacle.

Les livres qu’on retrouve sur sa table de chevet : Les deux premiers livres de la nouvelle série d’Eric-Emmanuel Schmitt, les romans policiers de Louise Penny mettant en vedette Armand Gamache. D’ailleurs, je l’inviterais bien à ma table, elle aussi !

Un voyage qu’elle aimerait faire une fois à la retraite : Moralement, je ne me sens pas capable de voyager dans l’état où la planète se trouve ces temps-ci, mais heureusement, on a une belle province… Sinon, éventuellement, j’aimerais bien faire une randonnée au mont Blanc.

Sa discipline sportive préférée : J’ai un faible pour l’athlétisme. J’en faisais quand j’étais jeune.

Qui est Marie-José Turcotte ?

  • Née à Windsor Mills (aujourd’hui Windsor), en Estrie
  • Animatrice à Radio-Canada à Edmonton de 1982 à 1985
  • Animatrice de L’univers des sports de 1988 à 1994
  • Elle a couvert 17 Jeux olympiques, dont 15 à titre de cheffe d’antenne.