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Q. « Après une discussion enflammée avec des amis et des recherches de toutes parts, je ne trouve pas de réponse claire à cette question : est-ce que le gouvernement Legault gouverne à gauche ou à droite ? Et en quoi est-il de gauche ou de droite ? »

Moshe Vieux

R. La première chose à dire est qu’il est normal que vous soyez perplexe, car il n’existe pas de réponse simple à votre question. Nous avons fait appel à deux professeurs de science politique, Éric Bélanger, de l’Université McGill, et Jean-François Godbout, de l’Université de Montréal, pour nous aider à démêler les choses.

La principale difficulté est que la définition de la gauche et de la droite est en pleine évolution. Traditionnellement, cette opposition se faisait surtout autour de la question de la distribution de la richesse. La gauche plaidait essentiellement pour plus d’impôts et de redistribution, alors que la droite prônait le libre marché et une réduction de la taille de l’État.

Plus récemment, ce que les professeurs Bélanger et Godbout appellent un « nouvel axe gauche-droite identitaire » est devenu très présent. Sur cet axe, on peut associer la gauche à des attitudes favorables à la pluralité et à l’immigration, tandis que la droite véhicule un discours d’intégration et de valeurs communes. La CAQ de François Legault se définit beaucoup selon cet axe.

À cela, il faut ajouter l’environnement, qui devient un enjeu incontournable. Il s’agit d’une généralisation, mais on peut dire que la gauche se préoccupe davantage d’environnement, alors que la droite tend à faire primer les questions économiques (même si ces enjeux, en principe, s’opposent de moins en moins).

Prenons les trois éléments un à un.

Sur l’axe traditionnel de la distribution de la richesse, les professeurs Bélanger et Godbout placent la CAQ « plutôt à droite ». Évidemment, la CAQ ne remet pas en question l’État-providence québécois. Mais hormis l’Action démocratique du Québec, qui avait quelques propositions en ce sens dans les années 2000, les chercheurs font remarquer qu’aucun parti n’est allé jusqu’à s’y attaquer depuis la Révolution tranquille.

Comme rien n’est simple, il y a des nuances à apporter. On a vu le gouvernement Legault accorder des hausses de salaire substantielles aux préposées aux bénéficiaires, aux enseignantes et aux éducatrices de garderie, notamment. La semaine dernière, la CAQ a même accordé 52 millions au milieu communautaire pour prévenir la criminalité. Ça ne fait pas très « droite » !

Les professeurs Bélanger et Godbout estiment que la pandémie a forcé le gouvernement à dépenser davantage et à gouverner plus près du centre que ce que laissait présager sa plateforme. « Nous croyons qu’il faut distinguer la gouvernance de la CAQ en contexte de pandémie du profil idéologique des électeurs qui soutiennent le parti. Et selon nos analyses, ceux-ci se positionnent à droite sur les questions économiques », disent-ils.

« La CAQ a une vision nationaliste, donc pro-Québec, de l’économie, ajoutent les experts. Certaines de ses décisions peuvent ainsi sembler promouvoir l’ingérence de l’État dans l’économie, mais c’est davantage pour protéger les industries québécoises et renforcer la fierté nationale que pour favoriser une plus grande redistribution de la richesse. »

Sur l’axe identitaire, les choses sont plus simples. La CAQ s’est clairement positionnée du côté de l’intégration, par opposition à la pluralité (la loi 21 sur le port des signes religieux en est sans doute l’exemple le plus frappant). Il est intéressant de constater que sur cet axe, la CAQ et le Parti québécois s’opposent à Québec solidaire et au Parti libéral du Québec. Si on accepte l’idée d’associer l’intégration à la droite, il est clair que la CAQ appartient à cette tendance.

La question environnementale ? La CAQ n’a jamais montré beaucoup d’intérêt pour elle avant de prendre le pouvoir. Les choses ont changé depuis, si bien que le parti est plus progressiste sur ces enjeux que le Parti conservateur du Canada, par exemple, mais sans afficher une fibre environnementale dominante.

« Le parti n’a pas le choix de se préoccuper d’environnement, car on ne peut pas être contre la vertu, observent nos deux experts. Mais c’est une question de priorité accordée aux différents enjeux. Le troisième lien démontre bien que la préoccupation première de la CAQ est économique plutôt qu’environnementale ». Dans ce cas, les réflexes semblent donc pencher à droite.