Pars vite et reviens tard est le premier film policier de Régis Wargnier, mais aussi le dernier rôle au grand écran de Michel Serrault. La Presse s'est entretenue avec le réalisateur de polars, des rues de Paris et de la disparition d'un grand.

«Il y a quelque chose à quoi je ne m'attendais pas : c'est combien je tiens à la vie.» Les mystères de l'enquête viennent de se résoudre, ne restent que les au revoir de l'un des personnages-clés du film, Hervé Decambrais (Michel Serrault), et du célèbre enquêteur Adamsberg (José Garcia).

Le rideau se ferme sur Pars vite et reviens tard avec l'une des dernières répliques de Serrault au cinéma, et un face-à-face saisissant. «C'est dur, dit Régis Wargnier. J'ai eu envie de cette réplique qui n'était pas dans le scénario original. Dans cette scène, Michel est magnifique. Je peux vous dire que ça, c'était la première prise.»

Quand Wargnier a croisé Serrault pour la première fois, il y a 30 ans, il n'était encore qu'assistant de production. Serrault tenait déjà le premier rôle, et était aussi célèbre que son caractère. «Michel avait ses têtes, son caractère et ses goûts, et c'était un film où il n'était pas heureux», se souvient Régis Wargnier. Sa tête est revenue à l'acteur, qui lui a offert des places pour sa pièce, La cage aux folles.

«On était dans une loge juste au-dessus de la scène, il venait nous parler, nous dire deux, trois conneries. C'était Michel, c'était de la générosité, dit Régis Wargnier. Michel était un acteur génial et je ne dirais pas ça pour beaucoup d'acteurs. Il attrapait des personnages caricaturaux, comme Zaza de La cage aux folles, et il finissait par leur trouver de l'humanité. C'était ça, son talent.»

Jamais Régis Wargnier n'avait fait tourner Serrault. Jusqu'à ce qu'on propose au réalisateur d'Indochine d'adapter pour le grand écran l'un des best-sellers de Fred Vargas, Pars vite et reviens tard. Il songe à Serrault pour interpréter un vieil érudit. L'acteur devancera le réalisateur.

«On bouffait avec des potes. Il m'a dit: "Viens, on se met dans un coin." On se met en bout de table. Et là il me dit : "Bon, dis donc, coco, faut se dépêcher, hein. Quand est-ce que tu me fais tourner?"» relate Régis Wargnier. Et, pour le plus grand bonheur du réalisateur, Serrault a même aimé son partenaire au grand écran, José Garcia.

Tout comme Michel Serrault, José Garcia s'est fait connaître pour ses numéros parodiques, ses drôles d'excès, à mille lieux du personnage silencieux et grave d'Adamsberg. «Pour José, c'était une obsession de tourner avec Serrault, dit Régis Wargnier. Michel était content de bluffer un jeune acteur, et de lui transmettre le flambeau.»

Un kaléidoscope de Paris

Dans Pars vite, les Parisiens sont (presque) malades de la peste. Adamsberg se lance sur les traces du semeur du virus. Son enquête le mène sur une petite place, nichée aux côtés du Centre Pompidou, encadrée par une église millénaire et des constructions contemporaines.

«Il fallait constituer un kaléidoscope de Paris. C'était un casse-tête intéressant, de filmer Paris sans que cela soit trop du déjà vu», dit Régis Wargnier. Fred Vargas a logé le coeur de l'enquête dans le quartier de Montparnasse. Wargnier lui a préféré la place Stravinsky.

«Il fallait que cette place soit crédible, qu'elle contienne le passé et le moderne, qu'il y ait un endroit naturel pour le crieur, qu'il y ait des artistes. Je voulais retrouver une place du Moyen-Âge.»

Sa vision de Paris est sans conteste l'une des plus grandes réussites du film. Wargnier promène habilement l'intrigue des grandes et modernes superficies de la bibliothèque François-Mitterrand aux sombres et moyenâgeuses ruelles de la Ville lumière.

Pour le cinéma, le dénouement du roman policier a été revu et corrigé. «Ils sont très compliqués, les bouquins de Vargas», note Wargnier. Les puristes verront peut-être dans cette relecture du polar un sacrilège. Le simple spectateur, lui, s'étonnera des rebondissements encore nombreux.

«Dans les polars contemporains, l'intrigue est souvent plus réussie que la résolution de l'énigme. Souvent, dans ces romans contemporains, il y a 200 pages vachement bien, et les 20 dernières on fait : "ah bon", estime le réalisateur. Le plus important, c'est l'intrigue. Et surtout, chez Vargas, le plus important c'est Adamsberg.» Et puis Serrault.