Ce n'est pas la musique de Mötley Crüe qui a marqué l'histoire du rock, mais ses excès dans les coulisses. On ne pourra reprocher à The Dirt de ne pas être fidèle à cette réalité: le drame biographique signé Jeff Tremaine (Jackass) parle beaucoup de sexe, encore plus de drogue... et pas vraiment de rock'n'roll.

Cinéma-«vérité»

The Dirt a mis du temps à se concrétiser. Nikki Sixx (interprété par Douglas Booth), bassiste et principal auteur-compositeur du groupe, a expliqué à divers médias, ces derniers jours, que si ç'a été aussi long, c'est parce que certains studios ne voulaient pas d'un film trop cru... Tommy Lee (interprété par Machine Gun Kelly), Vince Neil (Daniel Webber), Mick Mars (Iwan Rheon) et lui voulaient au contraire être «honnêtes». Ce qui semble surtout une manière de dire qu'ils souhaitaient un film à la hauteur de leur sulfureuse légende. Sur ce plan, c'est réussi: The Dirt, basé sur l'autobiographie du même nom, relate avec juste ce qu'il faut d'inélégance (c'est-à-dire vraiment beaucoup) la trajectoire météoritique d'un groupe qui incarne à merveille le glam métal de Sunset Strip et tous, tous, tous ses excès.

Appétit pour la destruction

«J'ai géré les carrières de Scorpions, Bon Jovi, Skid Row, Kiss, mais je n'avais jamais vécu ce que Mötley Crüe m'a fait vivre», dit Doc McGhee (incarné par David Costabile) dans la bande-annonce du film. The Dirt raconte une histoire de fou, c'est vrai. La mise en place est minimale: Nikki Sixx - né Frank Ferrana - vient d'un foyer brisé et trouve dans la musique une façon de sortir de lui-même. Il veut ramener du danger et de la démesure dans le rock. Avant même d'être connus, ses comparses et lui sniffent déjà une quantité impressionnante de coke et multiplient les parties de jambes en l'air. Une fois célèbres, leur consommation d'alcool, de drogue et de filles explose. Et l'essentiel du film montre surtout ça: une débauche sans fin, une vie de luxe et de luxure qui roule à une vitesse folle vers l'autodestruction.

Mort clinique

La mort frappe tôt dans l'histoire de Mötley Crüe: en décembre 1984, Vince Neil, bourré, provoque un accident de voiture qui tue son passager, Nicholas Razzle Dangley, batteur du groupe Hanoi Rocks. Il s'en tire avec 15 jours de prison et une amende salée. Trois ans plus tard, le 23 décembre 1987, Nikki Sixx fait une surdose. Il est ressuscité in extremis par deux injections d'adrénaline. Après une cure de désintoxication collective, le vernis craque. La sobriété n'amuse personne. Les frustrations s'accumulent. La fête commence à être triste et le film devient maladroit. Son réalisateur peine à donner de la profondeur aux drames personnels de Tommy Lee (largué par Heather Locklear), Nikki Sixx (seul et en quête de rédemption) et Vince Neil (dont la fillette meurt du cancer). Et Mick Mars? Il a l'air d'un figurant, comme dans le reste du film, d'ailleurs.

En route pour la glorification

The Dirt prétend raconter les choses telles qu'elles se sont passées. Aucun bout de dialogue ni même la narration - pourtant postérieure aux événements - ne laisse entendre que les gars de Mötley Crüe ont vraiment pris de la distance par rapport à ce qu'ils ont vécu. Aucune scène ne relève à quel point ce milieu était sexiste et ces gars-là, machos, assez idiots et profiteurs. Jeff Tremaine a, au bout du compte, tourné un film complaisant, voyeuriste et tape-à-l'oeil, une espèce de biographie autorisée destinée à édifier un mythe. Ce n'est peut-être pas étonnant de la part d'un réalisateur qui a fait sa marque avec Jackass... Il ne reste qu'une glorification quasi sans nuance d'un mode de vie qui broie des vies, une célébration de l'excès et de la superficialité et une fascination pour la célébrité et ce qu'elle peut acheter. Et quatre rock stars fières d'avoir brûlé la chandelle par les deux bouts et d'être encore là pour le raconter. Non : plutôt pour s'en vanter.

The Dirt, de Jeff Tremaine, est diffusé sur Netflix.

PHOTO JAKE GILES NETTER, FOURNIE PAR NETFLIX

The Dirt reflète bien la réalité du groupe Mötley Crüe.