Le nouveau film documentaire américain Apollo 11, qui raconte les premiers pas de l'homme sur la Lune, est si saisissant qu'on se demande d'emblée comment ces images ont pu rester inédites pendant cinq décennies.

En réalité, le film, qui fait revivre la mission mythique du 16 au 24 juillet 1969, mélange des images connues et des archives oubliées dans un entrepôt des Archives nationales, et numérisées pour la première fois. L'ensemble donne une sensation de jamais-vu.

« Une bonne moitié du film est composée d'images inédites, mais en vérité, en termes de qualité, c'est 100 % des images qui n'ont jamais vraiment été vues jusqu'ici, parce que nous avons re-scanné tout le nouveau matériel, mais aussi l'existant », a expliqué à l'AFP le réalisateur, Todd Douglas Miller, lors du festival de Sundance en janvier.

Le premier plan du film coupe le souffle : en couleurs et en grand format, les chenilles du gigantesque transporteur de la NASA remplissent l'écran. L'engin achemine la massive fusée Saturn qui lancera les astronautes.

Ces plans-là n'avaient jamais été diffusés. Ils étaient parmi les 177 bandes de format 65 mm retrouvées par Dan Rooney, superviseur de la section des films des Archives nationales, dans un site de stockage réfrigéré à-4 °C de College Park, ouvert en 1993.

« Nous savions que ces grands formats existaient, mais il a fallu beaucoup de travail de recherche pour comprendre ce qu'il y avait exactement », dit à l'AFP l'archiviste, qui a travaillé avec le réalisateur pour exploiter ce trésor.

Les bandes étaient mal étiquetées, sans détails, parfois avec comme seule indication Apollo 11.

« La vraie découverte a été d'obtenir de nouvelles informations sur le contenu et la qualité du matériel », poursuit Dan Rooney.

Au total, les Archives ont fourni à l'équipe du film 279 bandes de 16, 35, 65 et 70 mm. Le 70 mm, comme le 65 mm, était une pellicule de luxe, grand format, utilisée dans le cinéma des années 1950/1960.

Seule une partie de ce trésor avait été utilisé pour un film en 1972, Moonwalk One.  

Pourquoi ? « J'imagine que c'était à cause de la difficulté de travailler avec ces grands formats, ils n'avaient pas forcément l'équipement et l'expertise », dit Dan Rooney. Et puis le programme Apollo a pris fin dans les années 1970, la NASA passant à autre chose.

En reste-t-il ?

La NASA avait utilisé les grands formats pour filmer les opérations au sol, au centre spatial Kennedy, et sur le navire qui récupéra les trois astronautes à la fin de la mission, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins.

Au départ, la fusée est longuement filmée de haut en bas en gros plan, donnant un aperçu de sa taille hors du commun. On voit aussi les astronautes remettre en silence leurs combinaisons.

À l'époque, des caméramans ont aussi filmé l'attente fébrile des milliers d'anonymes, allongés sur les plages de Cocoa Beach, en famille, jumelles à la main.

Dans la salle d'allumage, l'image de rangées et rangées d'ingénieurs - des hommes à perte de vue, en chemisettes blanches et cravates sombres - tranche avec celle des salles de contrôle actuelles, plus féminisées, de la NASA et de SpaceX.

Quant aux images de formats plus petits tournées à bord d'Apollo et sur la Lune, notamment par les astronautes grâce à des caméras portatives, beaucoup étaient déjà sur YouTube.

Mais le réalisateur a re-numérisé des plans qu'on ne connaissait qu'en qualité médiocre, comme l'éprouvante descente de l'« Eagle » jusqu'à son alunissage. Des photos couleurs éclatantes prises par les astronautes complètent le tableau.

La réussite du film vient du mariage des archives célèbres à celles qui sont redécouvertes, dans un unique récit fluide, avec des split-screens occasionnels.

La seule narration est d'époque : on est guidé par la voix du célèbre journaliste de CBS Walter Cronkite et par les échanges radio entre Apollo et « Houston », qui ont été patiemment resynchronisés avec les nouvelles images.

L'équipe des 25 archivistes nationaux spécialisés sur les films continue de numériser les bandes redécouvertes, afin de les rendre publiques.

Dan Rooney pense avoir découvert toutes les bandes Apollo 11 en possession des Archives, mais prévient : « Je ne peux pas vous certifier qu'il n'y en a pas d'autres ailleurs ».