Né en Grèce où il n'a pu étudier parce que ses parents n'étaient pas du côté du pouvoir, installé à Paris où il a été naturalisé français, Costa-Gavras est un cinéaste engagé. Ses films, pour la plupart, se sont intéressés à ceux qui détiennent le pouvoir et en ont abusé. Ce qui lui a valu son lot d'intrigues, de controverses, voire de démêlés avec la justice.

Ce qu'il raconte par larges pans dans ses mémoires intitulés Va où il est impossible d'aller, titre qui, sous ses allures un brin ronflantes, renvoie à une leçon de jeunesse.

Le cinéaste, qui a maintenant 85 ans, aurait pu se servir de cet ouvrage comme tribune pour régler ses comptes et partir en vrille pour défendre ses idées. Ce qu'il ne fait pas... jusque vers la fin du livre où, les années aidant, il se fait plus bavard. Mais globalement, l'homme prend du recul face à ses idéaux personnels ; il préfère, la plupart du temps, raconter pourquoi et comment il en est venu à s'intéresser à telle ou telle question politique. C'est particulièrement évident lorsqu'il raconte la préproduction et le tournage d'Hanna K., long métrage qui s'intéresse au conflit israélo-palestinien.

Réalisateur et scénariste oscarisé, l'homme raconte en détail la genèse de Z, son film le plus connu qui lui a permis de remporter l'Oscar du meilleur film étranger. Costa-Gavras a eu toutes les difficultés du monde à assurer le montage financier et technique de ce film consacré à la répression du mouvement communiste en Grèce.

Pour une sélection aux Oscars, le cinéaste espérait que son film soit choisi par la France qui lui a préféré Ma nuit chez Maud d'Éric Rohmer. Mais c'est Z qui a remporté la statuette en tant que film algérien.

Au rayon du potinage, le cinéaste raconte aussi le jour où il a refusé de réaliser... Le parrain.

Son univers est aussi peuplé de noms de grands acteurs ou réalisateurs tant européens qu'américains, dont le couple Yves Montand/Simone Signoret (des amis très proches), René Clair, Bourvil, Jean Gabin, Jane Fonda et Robert Redford.

Dans l'ensemble, la lecture est agréable et l'écriture, inventive, bien documentée sans jamais être assommante. L'auteur nous communique sa sensibilité et plus particulièrement son sens de la famille. Sa femme, la journaliste et productrice Michèle Ray, et lui ont eu trois enfants.

Il nous a cependant fallu, dans les deux ou trois premiers chapitres, apprivoiser l'écriture de l'auteur qui semblait parfois un peu distant de son sujet, comme s'il avait dicté ses idées à un rédacteur anonyme blasé. La brique est aussi farcie de quelques ellipses déroutantes, comme ce passage où il raconte ses premières rencontres avec sa future femme tout en parlant de philosophes grecs et de ses racines paternelles.

Un cinéphile prendra sûrement plaisir à lire des extraits de l'ouvrage où Costa-Gavras parle de séquences très particulières de ses films tout en regardant ces passages en parallèle. En cela, ce Va où il est impossible d'aller peut se déguster par petites doses.

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Va où il est impossible d'aller. Costa-Gavras. Seuil. 526 pages.

PHOTO FOURNIE PAR LE SEUIL

Va où il est impossible d'aller, de Costa-Gavras