À partir des années 70, l'été est devenu la saison la plus lucrative, mais aussi la plus compétitive dans l'industrie du cinéma nord-américain. Au cours des prochaines semaines, nous vous proposons une analyse de six succès qui ont chacun marqué l'Histoire à leur manière.

Dans le palmarès des blockbusters estivaux atypiques, Forrest Gump fait figure de pierre angulaire. Sorti le 6 juillet 1994, le film de Robert Zemeckis est devenu le grand gagnant du box-office nord-américain cette année-là en plus de remporter six Oscars, dont celui du meilleur film. Une reconnaissance plutôt rare de la part de l'Académie, qui habituellement boude les méga-succès publics. 

La performance de Forrest Gump aux guichets continue d'étonner bien des observateurs de l'industrie. Dans son analyse publiée dans le cadre du 20e anniversaire du classique, Scott Mendelsohn, du magazine économique Forbes, rappelle à quel point le film a défait les idées reçues sur la nature du blockbuster

«Ce n'est pas un film d'action, ni d'aventures fantastiques, ni d'animation pour tous, ni une adaptation d'une oeuvre bien connue de la culture populaire. Même ses effets spéciaux sont explicitement conçus pour qu'on ne les remarque pas. [...] Forrest Gump est une comédie dramatique pour adultes de 2 h 25 min qui a été larguée en plein coeur de l'été, et a obtenu une performance comparable à un véritable blockbuster de la vieille école.»

Par «vieille école», Mendelsohn fait référence au parcours durable que Forrest Gump a accompli en salle. Le film est demeuré en première position du box-office durant cinq de ses dix premiers week-ends d'exploitation; à l'image de son héros amateur de course à pied, il a remporté un long marathon à une époque où le succès instantané commençait à devenir de plus en plus normalisé.

La réussite commerciale de Forrest Gump ne provient cependant pas du néant. Il s'agit d'un produit confectionné sur mesure pour la populeuse génération des baby-boomers, à laquelle appartient Zemeckis. 

L'intrigue du film s'articule autour d'une série d'«images médiatiques emblématiques», précise Sabine Moller, professeure à l'Université de Berlin, dans un essai publié en 2011 dans la revue International Social Science Journal.

Forrest Gump revient sur des évènements historiques marquants de la seconde moitié du XXe siècle comme l'assassinat de JFK, la guerre du Viêtnam, la montée de la contre-culture et du rock and roll, la création d'Apple, etc. Ces divers référents sont filtrés par le regard d'un protagoniste apolitique, élément crucial pour s'attirer les faveurs d'un public américain idéologiquement polarisé. L'innocence de Forrest permet d'adoucir certains pans sombres des États-Unis. Le véritable héros du film est donc une Amérique lavée de ses péchés, une proposition manifestement vendeuse.

En chiffres

Budget: 55 millions

Box-office intérieur: 330 252 182 $ (incluant les 557 683 $ de sa ressortie en IMAX, en 2014).

Box-office étranger: 347 693 217 $

TOTAL (mondial): 677 945 399 $

* Les chiffres sont en devises US et non ajustés à l'inflation