Il en va un peu à la cour de justice comme au théâtre. Des rituels, des costumes, une mise en scène, un texte. Closed Circuit de John Crowley examine l'un de ces "spectacles" en plongeant dans les coulisses labyrinthiques du procès d'un terroriste où deux avocats incarnés par Eric Bana et Rebecca Hall risquent tout. Même leur vie. Rencontres.

Mieux vaut le savoir d'emblée: Closed Circuit est de ces films qui atteignent le meilleur de leur efficacité quand on les découvre en ignorant tout de leurs tenants et aboutissants. Même si, pendant la course à obstacles à laquelle se livrent les personnages, certains éléments ne sont pas entièrement compris - cela risque d'être le cas pour quiconque ne connaît pas bien la justice telle qu'elle se pratique en Grande-Bretagne -, l'essentiel de son intrigue, riche en revirements et en masques qui tombent, se suit aisément.

C'était l'un des buts du réalisateur John Crowley, metteur en scène de théâtre qui s'adonne parfois au cinéma, où il a réalisé le formidable mais méconnu Boy A avec Andrew Garfield et l'excellent Intermission avec Colin Farrell. Cet homme pour qui le texte a une importance capitale cherchait, pour son quatrième passage au grand écran, «un thriller intelligent, pour adultes», a-t-il dit lors d'une rencontre de presse tenue à New York.

Plusieurs projets étaient sur sa table. Le scénario de Steven Knight (Eastern Promises) l'a emporté. Par sa manière qui rappelle celle des grands thrillers des années 70 signés Pollack et Lumet «où, au départ, l'ennemi n'est pas clairement identifié, où le danger se précise et s'amplifie tranquillement», résume Eric Bana. Le rôle de l'avocat Martin Rose l'a intéressé «très égoïstement». «J'ai été happé, intrigué, excité, effrayé par le scénario, et non parce que le sujet a une résonance dans l'actualité", précise celui qui se fait un devoir d'être apolitique - en tout cas, en public.

Même réaction de la part de Rebecca Hall, interprète de l'avocate Claudia Simmons-Howe, qui a aussi été séduite par un récit lui rappelant «ces histoires de conspiration et de paranoïa que l'on voyait beaucoup dans les années 70». «Mais je pense qu'aucune d'entre elles ne se déroulait à Londres», a-t-elle souligné.

Procès du siècle

Or, Closed Circuit s'ouvre sur un attentat qui fait des dizaines de victimes dans un marché londonien. Une chasse à l'homme s'ensuit. Farroukh Erdogan (Denis Moschitto) est arrêté et emprisonné. Les préparatifs commencent alors pour ce qui pourrait être le procès du siècle.

Il y a cependant un os. Le gouvernement a en sa possession des preuves contre Erdogan, mais ces preuves sont classifiées à un point tel que ni l'accusé ni son avocat ne peuvent les connaître.

Un avocat spécial est donc nommé par le ministère de la Justice afin de prendre connaissance desdites preuves et de défendre l'accusé dans le cadre de séances à huis clos, où ne sont présents que juge, fonctionnaires ayant une haute cote de sécurité et avocats représentant le gouvernement. Pas l'accusé. Pas son avocat. Simplement l'avocat spécial. Qui, dès qu'il connaît la preuve classifiée, n'est plus autorisé à communiquer ni avec l'accusé ni avec les autres membres de l'équipe de défense.

Il y a, en Grande-Bretagne, de plus en plus de ces closed cases. Souvent, ils sont en lien avec des actes terroristes. C'est la situation dans laquelle se trouve Claudia Simmons-Howe, qui a autrefois eu une liaison avec Martin Rose. Ce dernier se retrouve aussi à devoir défendre Erdogan, dont le premier avocat s'est suicidé. Mais s'est-il véritablement tué? Et les "accidents" dont Martin est soudain victime en sont-ils vraiment? Montée de la paranoïa. Théorie du complot. D'autant plus que John Crowley a fait subir une "torture" façon Jaws à ses personnages: «Pendant une partie de l'histoire, l'ennemi agit, mais il est invisible et on ignore qui il est.»

Tout cela se déroule dans une ville où les caméras de sécurité à circuit fermé sont partout. Entre autres dans le marché où la bombe qu'Ergodan aurait plantée a explosé. Une scène-choc. Différente. Qui ouvre le film de façon percutante et troublante.

«J'ignorais comment présenter l'attentat, raconte le réalisateur, mais je savais que je ne voulais pas d'une autre scène avec fumée, ralentis, cris. Pour moi, c'est comme fétichiser un acte horrible.» Le déclic s'est fait dans le métro. Près du réalisateur, quelqu'un lisait le journal. Sur les pages, une série de photos des hommes soupçonnés d'être à l'origine des émeutes qui ont secoué Londres il y a deux ans. Des photos d'une qualité telle qu'elles auraient pu être de ces portraits pris dans les postes de police au moment d'une arrestation. Mais elles avaient toutes été prises de haut. Par les caméras de sécurité. «Je venais de trouver comment ouvrir mon film», a expliqué le réalisateur.

Closed Circuit prend l'affiche le 28 août.