Trois frères. Trois histoires d'amour conjugal, de cul et de cocus. Une maison de paille. Une maison de bois. Une maison de briques. Dans son tout premier long métrage, Patrick Huard s'attaque à son sujet de prédilection, les relations hommes-femmes. Une relecture d'un célèbre conte pour enfants, teintée par l'adultère, le mensonge et la désillusion. Est-ce ainsi que les hommes vivent au temps de la conciliation travail-famille, du cybersexe et de la garde partagée?

À quelques heures de la première des 3 p'tits cochons, Patrick Huard laisse paraître sa nervosité, sa crainte que son film soit accueilli froidement par le public. «Je suis très angoissé, avoue le comédien, humoriste et nouveau réalisateur, dans un salon de l'hôtel Place D'Armes. Cela implique beaucoup de gens qui m'ont fait confiance: les acteurs, les artisans, les producteurs, les distributeurs, les institutions financières. Tout ce monde-là, ça ne me tente pas qu'ils aient l'air épais.»

Une comédie dramatique? Un drame comico-amer? Le Déclin 20 ans plus tard, version banlieusarde? Difficile de cataloguer ce premier effort cinématographique de Huard, qui a voulu observer le labyrinthe complexe, voire utopique, des relations hommes-femmes.

Une chose est pourtant claire: Patrick Huard tient à se dissocier des discours de mecs tels qu'entendus dans Horloges biologiques et autres Invincibles. «Aussitôt qu'un gars parle de relations hommes-femmes, on a tendance à faire des liens avec Horloges biologiques et Les Invincibles. Peut-être parce que pendant 15 ans, seules les femmes avaient le droit de parler de ces choses-là. Même si ça me ferait plaisir d'être comparé à eux, je ne pense pas que Les 3 p'tits cochons soit un film en réaction à quelque chose.»

Le couple, ce laboratoire

Je te trompe, tu me trahis, il fantasme devant un écran, elle se venge brutalement, ils se mentent pour préserver les apparences. Les couples de la porcherie conjugale, qui se traînent dans la boue, n'ont rien pour faire croire aux contes de fée.

Désabusé sentimental, notre bon cop national? Au contraire. «Je suis très optimiste, surtout depuis que j'ai fait ce film. Pendant le montage, je me disais: Fuck, c'est beau l'amour. Ça me donnait envie d'être en couple et d'y croire. Parce qu'il y a quelque chose de beau, dans cette quête-là, dans ce que cela a de tout croche.»

Un film sur l'infidélité? Plutôt un film sur l'amour ainsi que les difficultés et les efforts qu'il traîne comme un boulet, précise le principal intéressé. Le couple, aux yeux de Patrick Huard, est une entreprise colossale qui requiert parfois une honnêteté frôlant la cruauté. «À certaines étapes d'une relation, on a besoin d'entendre des vérités brutales, pour passer à autre chose.» Et oui, la «formule 100% vraie» demande parfois d'apprendre que l'autre a sauté la clôture. Pas parce qu'il ne nous aime plus, mais parce que le quotidien du couple est devenu morose, empoisonné, plate comme un mardi soir à Winnipeg.

Des trois frères porcins, Patrick Huard se sent le plus près de Mathieu (Claude Legault), le gars «ordinaire», père de famille lassé par les affres du quotidien familial, qui cède aux charmes d'une luxurieuse blonde (Mahée Paiement). Une faiblesse qui lui coûtera cher. «Il représente pas mal le gars moyen, celui de ma génération. Le gars qui travaille depuis un certain nombre d'années, qui aime sa famille, mais vit des difficultés et est totalement dans la fuite. Sa blonde et lui sont arrivés à un point où le livre des règlements qu'ils ont depuis des années doit changer, parce que sinon, la game va arrêter.»

La piqûre du plateau

Patrick Huard, qui confie sa curiosité anthropologique pour «les affaires poches» s'attaque aussi au cybersexe, nouvelle donne de l'infidélité. «Pour moi, internet est une zone floue, quelque chose de non assumé. Ça va plus loin que juste regarder de la porno. Il y a eu beaucoup de conversations sur ce sujet, quand est arrivé le temps de faire financer le film. C'était un point qui dérangeait bien du monde.» Et dans tout ce bazar, la mère comateuse et inconscience (France Castel) veille comme la sainte Vierge sur son lit de mort. «Elle représente la femme ultime, lumineuse. Sa chambre d'hôpital est un sanctuaire où les gars se retrouvent.»

Cela fait six ans que Pierre Lamothe et Claude Lalonde ont amorcé l'écriture du scénario et des dialogues des 3 p'tits cochons. Arrivé dans le projet il y a trois ans, Patrick Huard a eu les coudées franches pour apporter sa contribution, C'est pour son expertise des relations hommes-femmes que Pierre Gendron et Christian Larouche, les producteurs de Zoo Films, ont pensé à lui. Un choix qui, précisent-ils, a été déterminé bien avant le succès de Bon cop, Bad cop.

Fan de Scorsese, Coppola, Arcand et Lynch, Huard espère que cette première expérience à la réalisation ne sera pas la dernière. «J'ai vraiment eu la piqûre», dit celui qui explique avoir toujours été un grégaire, qui préfère le travail d'équipe.

«En réalisant un film, tu ne peux pas être sur ton nombril. Tu es toujours confronté aux questions des autres, à leurs inspirations, leurs aspirations. Cela m'a donné un break de mon propre ego, de ma face sur les autobus.»

Patrick Huard n'a pas le dessein d'abandonner de sitôt le sujet des relations hommes-femmes. «Qu'elles soient amicales, professionnelles, amoureuses ou sexuelles, les relations humaines sont ce qui me touchent et m'intéressent le plus dans la vie. Je ne sais pas parler d'autre chose.»