Dans son premier film, on s'étonnait que Mr. Bean parle. Dix ans plus tard, pour son retour au grand écran, il ne prononce que trois mots... de français : «oui, non et gracias ( !)» Et c'est très bien ainsi, nous dit Rowan Atkinson, qui prête ses traits au célèbre personnage.

Rowan Atkinson ne s'en cache pas: le premier film de Mr. Bean, en 1997, visait le public des États-Unis où la télé n'avait pas aussi bien établi le personnage qu'ailleurs dans le monde. Le film se passait donc à Los Angeles, on y voyait Burt Reynolds et Mr. Bean parlait. À l'époque, Atkinson avait dit à La Presse: «Il parle pendant quatre minutes et demie et c'est fini. Voilà le genre de compromis qu'il fallait faire parce que nous voulions un film réaliste avec des personnages réalistes.»

Aujourd'hui, le comédien britannique reconnaît que ce n'était pas une bonne idée et ajoute que c'est précisément ce pourquoi ils ont fait exactement le contraire cette fois: un contexte européen et un personnage principal qui ne parle à peu près pas.

«Dans le premier film, il finissait par dire beaucoup de mots parce que le scénario l'exigeait. Et tout à coup, l'homme qui avait si peu parlé causait beaucoup. Le film a connu un succès étrange, c'était gratifiant, mais la plupart des créateurs derrière le personnage trouvaient qu'on avait trop fait de compromis pour en arriver à un genre de comédie familiale américaine», expliquait Rowan Atkinson lors de son bref passage à Montréal en juillet.

Cette fois, Bean gagne un voyage sur la Côte d'azur et comme il ne parle pas le français, la communication verbale sera à toutes fins utiles inexistante. La belle actrice (Emma de Caunes) qui le fera monter à bord de sa voiture en direction de Cannes croit qu'il est russe et l'autre personnage principal qui côtoiera Bean tout au long du film est justement un garçon russe. Dans ce film, les Français parlent le français, les Russes, le russe, et Atkinson sen réjouit, lui qui n'a pas oublié l'abîme de ridicule dans lequel plongeaient les films de guerre d'antan où des généraux allemands parlaient langlais avec un léger accent germanique.

Ces Vacances de Mr. Bean auraient pu être un ramassis de clichés sur la France vu par un Anglais. Au contraire, la scène la plus carte postale («à la Jean de Florette», dit Atkinson) est en fait une pub de yogourt tournée par un cinéaste américain parfaitement imbu de lui-même, incarné par Willem Dafoe. «C'est une blague très adulte, dit Atkinson. La seule fois qu'on voit le cliché français, finalement c'est de la fiction.»

Par contre, on ne pourra s'empêcher de voir dans le personnage de Dafoe une énorme caricature, très drôle au demeurant, du cinéma d'auteur. «Ça devait être un réalisateur français prétentieux, un cliché plus facile à prendre pour les non-Français, explique Atkinson. Mais la grosse parodie est moins efficace et on s'est dit qu'on en ferait plutôt un Américain prétentieux.»

Les vacances de Mr. Bean privilégie l'humour physique de Rowan Atkinson, comme le faisaient les meilleurs épisodes de la télésérie culte. Mais tout n'est pas sacrifié aux blagues. «Je pense que ce film a un grand coeur, dit Atkinson. Et l'histoire est meilleure. Je suis le premier à reconnaître qu'on ne s'esclaffe pas autant que dans le premier film, mais je pense qu'il y a des moments drôles. C'est surtout une histoire humaine sur la relation entre Bean et le garçon russe.»

N'empêche, Bean ne serait pas Bean si en plus de ses nombreuses gaffes, il n'empoisonnait pas consciemment la vie de quelques personnes sur son chemin. L'une de ses victimes est une dame de société, voisine de Bean dans un restaurant de fruits de mer où officie un serveur très classe incarné par Jean Rochefort. Disons que la dame en question ne verra plus jamais son sac à main de la même façon...

«Au cinéma, l'histoire est ce qu'il y a de plus important, dit Atkinson. Le public veut sentir qu'il est sur un chemin dont il ne déviera pas trop. C'était le problème du premier film: Bean arrivait dans la maison de ses hôtes avant eux et c'était un prétexte pour un numéro de comédie où il jouait avec l'éclairage, Mais quand on a montré cette scène à des publics tests, ils ne trouvaient pas ça amusant. Pour eux, l'histoire s'était interrompue d'une manière forcée. Mais s'ils sentent que l'histoire progresse, les spectateurs vont rire de bon coeur à la moindre occasion.»

Les Vacances de Mr. Bean (Mr. Bean's Holiday) prend l'affiche le 24 août.