Dans le nouveau film de Zabou Breitman, Charles Berling prête ses traits à un séducteur carnassier qui assume pleinement son célibat. Le jour où le trouble qu'il sème dans le coeur d'un voisin le fait trembler tout autant, ses belles certitudes sont pourtant vite remises en question...

Quand Charles Berling a été pressenti pour tenir le rôle de Hugo, un personnage qui chamboulera complètement la petite vie tranquille d'une famille heureuse, tous les aspects du nouveau film de Zabou Breitman étaient déjà mis en place. La réalisatrice de Se souvenir des belles choses avait en outre expressément écrit le scénario de L'homme de sa vie en pensant à Bernard Campan pour le rôle de Frédéric, ce quarantenaire «moyen» qui ne peut concevoir sa vie sans être entouré des siens. Léa Drucker avait aussi déjà été choisie pour incarner la femme aimée - et aimante - de Frédéric.

Ne restait alors plus qu'à trouver l'acteur qui allait se glisser dans la peau de Hugo, le dernier maillon inattendu d'un triangle amoureux inhabituel. La tâche n'était pas mince car le rôle exige à la fois de celui qui l'incarne l'abattage du séducteur carnassier, tout autant que la fragilité de celui dont les certitudes sont trop affirmées pour ne pas masquer de véritables fêlures intérieures. C'est en voyant Charles Berling dans une scène de Demonlover (Olivier Assayas), au cours de laquelle il transigeait avec des Japonais avec beaucoup d'aplomb, que Zabou a tout de suite reconnu «son» Hugo.

«Au fur et à mesure que Zabou me décrivait le personnage, je me calais dans mon fauteuil en me demandant pourquoi elle avait bien pu penser à moi!» rappelait l'acteur lors d'une interview accordée à Paris il y a quelques mois. C'est effrayant quand on vous présente un personnage de cette façon. Zabou l'aimait à un point où, en tant qu'acteur, on se demande si on peut être à la hauteur d'un tel désir.»

Puis le scénario, que Zabou a coécrit avec Agnès de Sacy, est arrivé. Berling dit avoir été tellement chaviré à la lecture qu'il fut incapable de rappeler l'auteure cinéaste dans les heures qui suivirent.

«Je ne connaissais pas Zabou très bien avant de travailler avec elle, explique l'acteur. Très franchement, j'ai attendu un peu avant de lui répondre, tout bêtement parce que j'étais trop ému. J'avais même peur de ne plus arriver à parler, de pleurer au téléphone et d'avoir l'air idiot! C'est plutôt rare qu'une histoire s'impose à vous d'une façon aussi évidente. Il est aussi peu fréquent qu'un rôle se trouve en adéquation avec vos préoccupations intimes. Les questions posées dans L'homme de sa vie sont fortes, puissantes, importantes. Et je me les pose aussi. C'est la raison pour laquelle cette histoire me bouleverse autant.»

Un film d'amour

Le récit fait écho à la quête sentimentale d'individus qui ont choisi des voies différentes pour atteindre leur idéal. Frédéric (Campan) a suivi le chemin classique de celui qui a toujours voulu fonder une famille. Il est très entouré, et il file aujourd'hui le parfait bonheur - du moins, en apparences - avec une femme qu'il aime (Drucker), un enfant adorable, des amis, une famille élargie. Hugo (Berling) revendique au contraire sa solitude, affiche son célibat de façon presque arrogante; et son homosexualité comme une heureuse provocation. L'intrusion de Hugo dans la vie de Frédéric - et vice versa - aura pourtant tôt fait de fissurer le socle sur lequel les deux hommes ont érigé leurs belles certitudes.

«C'est d'ailleurs ce qui est beau dans ce film, commente Charles Berling. Autant un personnage va défendre son point de vue; autant le récit nous le montre en train d'aller à l'encontre de ce même point de vue. L'amour est là pour bousculer, pour transformer, pour déconstruire aussi. Il bouleverse les personnages malgré leurs convictions. Par-delà même ce qu'ils croient être leurs convictions.»

«L'éclatement d'un certain carcan moral et religieux nous oblige tous à réinventer les rapports amoureux, poursuit l'acteur. Cet éclatement du sens est au coeur du film. Et Zabou a abordé ce thème avec beaucoup de délicatesse.»

Car au-delà du désir conjugué au masculin, exprimé essentiellement par petites touches sensuelles plutôt que par des scènes explicites, L'homme de sa vie met surtout en exergue la quête de sens des deux hommes. Que le destin rattrape à travers une relation amoureuse inattendue. Protégés jusque là par leurs convictions respectives, Frédéric et Hugo n'auront en effet d'autre choix que de confronter directement les fragilités qui les hantent depuis des années.

Misant sur une structure parfois éclatée sur le plan narratif, Zabou a évidemment travaillé de façon très étroite avec ses comédiens. La scène-clé du film, une longue conversation entre les deux hommes au petit matin, a d'ailleurs été répétée pendant deux semaines dans un théâtre à Paris avant d'être «lancée» en pleine nature.

«La méthode de travail de Zabou me plaît beaucoup, indique Charles Berling. Elle n'a pas peur de briser les conventions et elle fait en sorte que les acteurs soient dans les meilleures dispositions pour atteindre les plus beaux accents de vérité. Par exemple, elle a préféré tourner la longue conversation, qui vient ponctuer le récit pendant tout le film, huit jours d'affilée pendant une heure au petit matin plutôt que de la mettre en boîte en une journée ou deux. Du coup, cela devient très agréable de jouer sous la direction de quelqu'un qui est habité par cette sensibilité. Cette démarche découle probablement du fait qu'elle est elle-même une formidable actrice.»

Pour les besoins de ce rôle, Charles Berling s'est par ailleurs sculpté un physique en s'entraînant à la course à pieds pendant deux mois.

«L'allure de quelqu'un raconte aussi sa vie, ses luttes, ses plaisirs, ses angoisses, fait valoir l'acteur. Il fallait à Hugo ce physique sec, ce physique de combattant. Il était impossible de concevoir ce personnage sans cet aspect-là. J'allais ainsi montrer l'évolution de mes efforts à Zabou au fil de mon entraînement. J'étais devenu son objet, sa pâte à modeler. Et cela me plaisait plutôt!»

L'homme de sa vie prend l'affiche le 17 août.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.