Légende du cinéma mondial, le Polonais Andrzej Wajda a présenté mercredi à Varsovie son nouveau film dans lequel il raconte l'histoire tragique de son père, l'un des 22 500 officiers polonais massacrés par les Soviétiques en 1940 à Katyn et d'autres camps.

Le cinéaste, âgé de 81 ans, a choisi de placer au début du film, sous le titre de Katyn, une dédicace: «À mes parents».

Son père, Jakub Wajda, était capitaine d'un régiment d'infanterie de l'armée polonaise. Il a été exécuté d'une balle dans la nuque par le NKVD, la police secrète de Staline.

Et comme des centaines d'autres femmes, sa mère a longtemps refusé d'accepter sa mort. «Ma mère s'est nourrie d'illusions jusqu'à la fin de sa vie, car le nom de mon père figurait avec un autre prénom sur la liste des officiers massacrés», a-t-il raconté à l'issue de la première projection du film pour la presse.

Symboliquement, la première du film aura lieu le 17 septembre, le jour même où en 1939, l'Armée rouge envahit l'Est de la Pologne pour se partager le pays à l'amiable avec l'Allemagne nazie qui avait commencé son invasion le 1er septembre.

Le film commence ce jour-là sur un pont où deux foules se pressent en sens inverse: l'une pour fuir l'Armée rouge, l'autre la Wehrmacht. Il se termine sur les images insoutenables des exécutions perpétrées une à une dans la forêt de Katyn.

Le massacre fut révélé pour la première fois par les nazis qui mirent au jour les charniers après la rupture du pacte germano-soviétique et leur invasion de l'URSS en 1941.

L'URSS rejeta immédiatement rejeté la responsabilité du massacre sur les nazis. L'Occident resta muet pour ne pas envenimer ses relations avec Moscou, devenu un allié indispensable dans la guerre contre Adolf Hitler.

Le film est une fiction, mais, a insisté Andrzej Wajda, il est basé sur des histoires et des épisodes authentiques. Une bonne partie du film se déroule à Cracovie et raconte l'attente des femmes entre 1939 et 1950. Le cinéaste a également utilisé des images d'archives tournées par les Allemands lors de l'exhumation des corps en 1941, puis celles tournées par la propagande soviétique.

«Ce film n'aurait pas pu voir le jour avant, ni dans la Pologne communiste, ni en exil, en dehors de la Pologne, où il n'y avait pas d'intérêt pour le sujet», a déclaré le cinéaste.

«Aucun cinéaste saint d'esprit n'aurait pu le tourner à l'époque communiste, sinon, il aurait dû présenter la version officielle», a-t-il dit. Car le film montre aussi le mensonge entretenu par le régime communiste polonais qui a persisté à attribuer le massacre aux Allemands.

Ce n'est qu'en avril 1990 que le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a fini par reconnaître la responsabilité de l'URSS. En Pologne, pratiquement jusqu'à la chute du communisme, il était interdit de parler de Katyn, dont la forêt est devenu le symbole du massacre des élites polonaises, même s'il s'est déroulé dans plusieurs lieux, à Kharkiv (Ukraine) et à Miednoïe (Russie).

«J'espère qu'il y aura d'autres film sur le même sujet. Mon, film n'est qu'un premier film», a déclaré le cinéaste, qui a reçu en 2000 un Oscar pour l'ensemble de sa carrière de plus de cinquante ans.

«Enfin il y a ce film», a déclaré l'acteur Andrzej Seweryn, présent lors de l'avant-première. «Toute la Pologne l'attendait. Wajda n'a pas pu échapper à ce film, il s'est longtemps préparé à le faire, il appréhendait le sujet, cherchait le bon scénario, a-t-il ajouté, c'était pour lui tellement important».

Pour assurer la réussite du film, Wajda a confié les images à Pawel Edelman, chef-opérateur pour le Pianiste de Roman Polanski et la musique au compositeur polonais Krzysztof Penderecki.