Devant la caméra de Zabou Breitman, Marie-Josée Croze incarne une femme forte et lumineuse face à un Daniel Auteuil subjugué. Un contre-emploi? Non. Seulement une partition différente.

Quand Je l'aimais a pris l'affiche en France, le printemps dernier, Marie-Josée Croze a eu droit à des commentaires élogieux. Les critiques ont notamment souligné à quel point elle était lumineuse dans cette adaptation cinématographique du roman d'Anna Gavalda. Devant la caméra de Zabou Breitman (Se souvenir des belles choses, L'homme de sa vie), l'actrice québécoise affiche son côté solaire, peu exploité dans les personnages qu'elle a incarnés à l'écran jusqu'à maintenant.

«Je ne crois pas que mon image ait changé, soutient la comédienne. Il se trouve qu'un acteur doit moduler son jeu selon la partition. Or, il est vrai que j'ai eu plus souvent envie de personnages plus sombres, plus tourmentés. À vrai dire, j'ai rarement eu l'occasion de me glisser dans la peau d'une femme comme Mathilde, forte, radieuse. Pour qu'elle puisse laisser un souvenir aussi grand, aussi beau dans l'esprit d'un homme, il fallait qu'elle irradie de bonheur, de joie de vivre, d'énergie. J'ai dû aller puiser tout ce que j'avais de plus lumineux en moi. Ce n'est pas dans mes habitudes!»

Zabou Breitman a rencontré l'actrice à la suggestion de son producteur. La complicité s'est installée très vite entre les deux femmes.

«Mathilde ayant vécu un peu partout dans le monde, je crois que Zabou aimait l'idée de faire appel à une actrice étrangère. Pierre, le personnage qu'interprète Daniel Auteuil, fait d'ailleurs sa rencontre à Hong Kong. Je suis installée en France depuis cinq ans mais aux yeux des artisans du cinéma de là-bas, je ne suis pas une actrice française.»

Depuis son sacre au Festival de Cannes grâce à sa performance dans Les invasions barbares, Marie-Josée Croze poursuit une démarche cohérente, auprès d'auteurs avec qui elle partage une communauté d'esprit. Je l'aimais a été gratifié d'un véritable succès populaire dans l'Hexagone, mais l'actrice ne voit pas là un véritable tournant.

«Petit à petit, je fais mon chemin, dit-elle. Les créateurs français possèdent cette qualité de savoir déceler le potentiel de leurs interprètes. De mon côté, je me suis maintenant affranchie de la peur. Je sais ce qu'est le désamour, je sais ce qu'est la pauvreté. J'apprécie grandement les moments où je suis amoureuse et où je m'épanouis sur le plan professionnel, mais je sais que je peux survivre même si je perds tout du jour au lendemain. C'est ma plus grande force!»

Histoires de femmes

Au cours de la dernière année, Marie-Josée Croze a pratiquement enchaîné quatre tournages. À celui de Liberté, le film de Tony Gatlif qui a récemment obtenu le Grand Prix des Amériques au Festival des films du monde de Montréal, s'ajoutent trois longs métrages. Je l'aimais, Mères et filles et Un balcon sur la mer ont en commun de porter la signature de réalisatrices: Zabou Breitman, Julie Lopes-Curval et Nicole Garcia.

«Tourner sous la direction d'une femme change complètement la donne, observe Marie-Josée Croze. En tout cas pour moi. J'ai beaucoup plus de facilité à affronter un homme qu'une femme. En fait, je suis plus dure avec un homme. Il y a certainement quelque chose là-dedans relevant du rapport à la mère, mais le fait est que les femmes me font peur. Les hommes, pas du tout. Et puis, Zabou et Nicole Garcia sont aussi de grandes actrices. Quand elles te suggèrent un truc, tu l'exécutes sans discuter parce que tu sais qu'elles savent parfaitement de quoi elles parlent. Ce rapport me plaît particulièrement car je peux leur accorder toute ma confiance. Je suis beaucoup plus docile avec elles!»

De Zabou Breitman, dont la mère est québécoise, Marie-Josée Croze loue le sens de l'enthousiasme, très contagieux.

«Zabou a un coeur immense. Elle aime ses acteurs comme ses enfants. Daniel et moi étions comme des gamins de 4 ans sur le plateau! Qu'on le veuille ou pas, on investit toujours une part de soi dans un personnage. Mieux vaut alors s'entourer de gens qui vous soutiennent et qui vous aiment.»

Remise en question

Même si elle compte aujourd'hui parmi les actrices les plus respectées en France, l'interprète de Maelström affirme se remettre en question quotidiennement.

«Parfois, les gens croient qu'une fois une certaine notoriété obtenue, plus rien ne peut nous atteindre. Rien n'est moins vrai. Quand il y a malveillance, on le sent immédiatement. Et on peut se faire mal. C'est pour cela que je dis que je préfère m'entourer de créateurs chez qui je sens une affection, un respect. Un état de souffrance ne mène à rien de bon. Si Zabou a pu tirer tant de choses de moi, c'est parce qu'elle m'a aimée et me l'a fait ressentir. Je ne voulais pas être en dessous de sa curiosité, de son énergie.»

De son partenaire de jeu Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze admire le côté plus mystérieux, voire secret. «Il n'y a jamais de conversations banales avec lui. Dans le jeu, Daniel n'a aucune inhibition. Il aime jouer et ça paraît. Je l'ai trouvé très inspirant. Dès le départ, c'était génial!»

Je l'aimais prend l'affiche le 9 octobre.