Une fois de plus, Marion Cotillard attire les éloges. Dans Nine, la comédie musicale de Rob Marshall, elle prête ses traits à l'épouse d'un cinéaste de génie en pleine crise créatrice. La seule Française à avoir obtenu un Oscar grâce à un rôle joué dans la langue de Molière (La vie en rose) est aujourd'hui en lice pour un Golden Globe.

L'affiche est sans contredit l'une des plus éclatantes de l'année. Nicole Kidman, Penélope Cruz, Judi Dench, Kate Hudson, Fergie, Marion Cotillard et Sophia Loren entourent Daniel Day-Lewis dans l'adaptation cinématographique de la comédie musicale Nine. Aux commandes: Rob Marshall, l'un des plus grands spécialistes du genre, réalisateur de Chicago.

«Dès que j'ai eu vent de ce projet, j'ai immédiatement voulu en faire partie, révèle Marion Cotillard au cours d'un entretien téléphonique exclusif accordé à La Presse. C'est comme un rêve d'enfance pour moi. Que j'entretiens depuis que je suis toute petite. Il n'y a que les Américains qui peuvent faire de la comédie musicale de cette façon-là.»

À l'époque, La môme (La vie en rose) n'avait pas encore pris l'affiche mais la réputation d'une performance exceptionnelle circulait déjà dans les officines. L'actrice avait aussi déjà pu se faire valoir sur la scène internationale grâce à Big Fish (Tim Burton) et A Good Year (Ridley Scott). Elle fut donc convoquée à Londres pour faire des essais chantés.

«On m'a alors fait auditionner pour le rôle de la confidente française, finalement interprété par Judi Dench, rappelle l'actrice. On m'a aussi fait chanter d'autres partitions. J'ai ensuite fait des essais dansés. Plus tard, on m'a fait refaire des essais chantés, pour le rôle de l'épouse Luisa cette fois. C'est à ce moment qu'ils ont fixé leur choix!»

Le processus a ainsi duré plusieurs mois, mais Marion Cotillard ne s'en plaint pas. Au contraire.

«Je ne suis pas une très bonne vendeuse pour moi-même, concède l'actrice. C'est pourquoi je préfère de loin faire des essais plutôt que de m'asseoir avec un metteur en scène pour discuter d'un projet. Un essai, c'est concret, c'est du travail. Et ça, je sais faire. Quand j'auditionne, je suis beaucoup plus détendue que lorsque j'ai rendez-vous pour une simple rencontre préparatoire!»

Une évocation de 8 1/2

Bien que ne connaissant pas du tout le spectacle duquel ce projet d'adaptation est tiré, Marion Cotillard a eu envie de se jeter corps et âme dans l'aventure.

«Les grandes comédies musicales américaines m'ont toujours nourrie. C'est même en les regardant qu'est née l'envie d'exercer ce métier. Quand on apprend que Rob Marshall est associé à un projet, vous ne posez même pas de question. Rob est le plus grand metteur en scène de musicals actuellement.»

Les actrices, dont les voix ne furent jamais doublées, se sont astreintes toutes ensemble à de longues périodes de répétitions.

«C'est à cette étape que nous avons pu nous rendre compte à quel point Rob avait imprégné le scénario de sa propre vision, explique la comédienne. Alors que la première mouture était plus collée sur le 8 1/2 de Fellini, Rob a tenu à donner à Nine sa personnalité propre, son âme en quelque sorte. Il aurait été plus dangereux, à mon sens, de se coller à l'oeuvre originale, qui est un chef-d'oeuvre absolu. Il s'agit davantage ici d'une inspiration, d'une évocation.»

Réunir autant de grandes actrices en même temps sur un même plateau alimente bien entendu les fantasmes. Un peu comme à l'époque de 8 Femmes, qui rassemblait Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Fanny Ardant, Emmanuelle Béart et bien d'autres, plusieurs observateurs redoutaient un tournage un peu plus problématique.

«Cette fascination est quand même un peu étrange, commente Marion Cotillard. On s'imagine toujours que les actrices vont forcément se détester. Je crois que cela découle d'une époque où les vedettes féminines misaient plus sur la séduction, sur le mystère. Une époque où la concurrence alimentait les animosités aussi. Les temps ont bien changé. Ces rivalités existent certainement encore, mais il n'y avait rien de cela sur le plateau de Nine, au contraire. Nous étions toutes admiratives du travail de chacune. Dès les répétitions, nous étions solidaires les unes des autres, et bien conscientes du travail à accomplir. Fergie, la seule qui était une «vraie» chanteuse, s'est investie de façon magnifique et a fait un vrai travail d'actrice. C'était très émouvant d'assister à cela.»

Un moment historique

Le 24 février 2008, Marion Cotillard écrivait l'histoire en devenant la toute première actrice française à obtenir l'Oscar de la meilleure actrice pour un rôle - celui d'Édith Piaf - joué dans la langue de Molière.

«Bien sûr, cela change une vie, dit celle qui fut d'abord révélée grâce à la série des Taxi. L'Oscar me permet de recevoir de belles propositions américaines. Comme mon travail a eu droit à une belle visibilité, les gens savent désormais qui je suis. Cela procure une détente. C'est très agréable!»

Depuis La môme (La vie en rose), Marion Cotillard a pu tourner sous la direction de Michael Mann dans Public Enemies. Outre le film de Rob Marshall, le nouveau thriller de Christopher Nolan, Inception, figure aussi à son programme. Elle y donne la réplique à Leonardo DiCaprio.

«Je suis consciente de la chance que j'ai, dit-elle. Un rôle comme celui de La môme reste unique. Il me reste tellement de choses à apprendre. Je sais que d'autres rôles m'emmèneront ailleurs, de façon différente, dans des zones encore inexplorées.»

Elle va là où sont les belles propositions. La sortie du nouveau film de Karim Didri, Le dernier vol, a lieu en France parallèlement à celle de Nine en Amérique. Elle retrouvera d'ailleurs son partenaire du Dernier vol, Guillaume Canet, dans Les petits mouchoirs, le prochain film que réalisera ce dernier.

Pour l'heure, elle savoure chaque instant de l'aventure Nine.

«Quand j'ai vu le film la première fois, j'étais tellement comblée que je me suis pincée pour m'assurer que tout cela était bien vrai!»

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Nine (Neuf en version française) prend l'affiche le 25 décembre.