Steven Soderbergh a présenté en première mondiale son dernier film –et premier documentaire de sa carrière  And everything is going fine hier soir, à Park City. Ce n’est pas à Sundance que le réalisateur révélé il y a 20 ans par Sex, Lies and Videotape a confié son film surprise, mais à Slamdance, l’autre festival de cinéma indépendant de l’Utah.

Le réalisateur stakhanoviste a encore frappé. Entre le tournage de son imposante fresque historique sur le Che (2008), celui, plus spontané de The Girlfriend Experience (2009) et des films plus hollywoodiens The Informant (2009) et Ocean’s Thirteen (2007), Soderbergh a réalisé son premier documentaire, And everything is going fine.


Consacré au comédien verbomoteur Spalding Gray (avec qui il a tourné Gray’s Anatomy), And everything is going fine a été réalisé exclusivement avec des archives des monologues qui l’ont rendu célèbre ou des interviews qu’il a données au cours de sa prolifique carrière. Quatre ans : c’est le temps qu’il a fallu aussi à la monteuse du film pour extraire de 120 heures d’archives le portrait d’un artiste frôlant le génie.


«C’était difficile : je n’ai jamais fait de documentaire et j’étais conscient de mes obligations, d’abord envers Spalding, mais aussi envers les réalisateurs de documentaires comme Errol Morris qui sont vraiment impressionnants», expliquait à l’issue de la projection du film Soderbergh, présent à Park City par la grâce de Skype : il tourne en effet son prochain film en Irelande.
Avec And Everything is going fine, Soderbergh ne signe absolument pas un documentaire classique et donne exclusivement la parole à celui qui connaît le mieux Spalding Gray : Gray lui-même. Invitant le spectateur dans son monde, le comédien se répond à lui-même à travers ses monologues. «On a essayé de recréer son sens du momentum», dit Soderbergh.


Le film, lui, parvient à restituer intacte la capacité de Gray à captiver, littéralement, son public. «J’ai vraiment eu l’idée de ce nouveau monologue, dans lequel Spalding se parle à lui-même», poursuivait le réalisateur.


Apprécié tant par les critiques que par l’industrie, Steven Soderbergh revient avec son documentaire aux racines les plus indépendantes de son cinéma. Le réalisateur, qui avait bouleversé le cinéma il y a 20 ans avec Sex, Lies and Videotape, signe avec And everything is going fine un film inattendu, complètement indépendant et particulièrement réussi.


La première de ce documentaire de Soderbergh dans la programmation de Slamdance, un festival monté en réaction à la mainstreamisation de Sundance- a de quoi étonner. «Nous avons une longue relation avec Soderergh, relativise toutefois Peter Baxter, l’un des fondateurs de Slamdance. Steven a toujours soutenu les formes indépendantes du cinéma.»


Depuis 15 ans, Slamdance a su s’imposer comme l’un des temps forts du cinéma indépendant américain : ce sont les anciens cinéastes sélectionnés à Slamdance qui sont les programmateurs du festival; les films présentés doivent tous être produits avec un budget situé en-deçà du million de dollar.


Soderbergh lui-même s’amuse de ce côté très indépendant du festival. À la question de savoir si son premier documentaire avait trouvé un distributeur, Soderbergh répond par la négative : «Sinon, je ne serais pas à Slamdance», rit-il.
«Le film est vraiment pour ceux qui aiment Spalding et son travail», précise le réalisateur. Une assertion que l’on peut se permettre de remettre en doute tant le documentaire laisse se découvrir un homme dense et complexe, qui peut tenir en haleine même ceux qui ignorent tout de lui. Si ce dernier Soderbergh pourrait avoir une carrière discrète, le film n’a pourtant rien de mineur.