Le destin de Benazir Bhutto, ancien Premier ministre du Pakistan, icône internationale et martyre politique après son assassinat par Al-Qaeda en décembre 2007, est retracé dans une ambitieuse superproduction documentaire au festival de Sundance.

Réalisé par Jessica Hernandez et Johnny O'Hara, Bhutto est présenté en compétition officielle au festival de cinéma indépendant, qui se tient jusqu'à dimanche à Park City, dans les montagnes de l'Utah.

La vie de Benazir Bhutto, femme politique d'exception aussi adulée que controversée, y est replacée, de façon assez ambitieuse pour un film d'un peu moins de deux heures, dans le contexte plus vaste de l'histoire du Pakistan et de ses relations avec l'Inde voisine après l'indépendance.

«S'assurer que l'on pouvait passer cette énorme quantité d'informations, c'était la chose la plus difficile», explique la coréalisatrice Jessica Hernandez à l'AFP. «Et rendre le documentaire accrocheur était le seul moyen d'y parvenir», ajoute-t-elle.

Montage ultra-dynamique, musique, graphiques, animations... les réalisateurs font tout pour tenir le public en haleine.

Le producteur du film, Duane Baughman, reconnaît volontiers que son «but était de faire un documentaire aussi dynamique, passionnant et émouvant qu'un film commercial». Cent-quinze minutes, «c'était vraiment le minimum pour raconter l'histoire», dit-il.

«On a le sentiment qu'on n'aurait rien pu couper sans perdre quelque chose. Évidemment, tout cinéaste a cette sensation, mais quand il faut parler à la fois d'un pays et d'une personne, c'est assez dur», souligne-t-il.

Le côté «superproduction» de Bhutto n'enlève rien à sa solidité documentaire. Famille Bhutto au grand complet, amis et biographes se succèdent pour évoquer la figure de celle qui fut deux fois Premier ministre et briguait un troisième mandat au moment de son assassinat.

«Prononcez le nom de Bhutto au Pakistan, et vous ne serez jamais à court de gens qui la détestaient et de gens qui l'adoraient», observe M. Baughman.

«Elle suscitait des sentiments opposés. La raison pour laquelle les gens parlent autant d'elle, c'est qu'il y avait beaucoup à en dire, des deux côtés», ajoute Jessica Hernandez.

De fait, le documentaire aborde aussi bien les réussites incontestables de Benazir Bhutto - au premier rang desquelles le rétablissement de la démocratie dans son pays - que les accusations de corruption ayant entaché son nom et celui de son mari Asif Ali Zardari, aujourd'hui président du Pakistan.

La narration du film est assurée par Benazir Bhutto elle-même, à partir d'enregistrements réalisés pour la rédaction de son autobiographie.

«C'est l'une des choses dont nous sommes les plus fiers», assure M. Baughman. «Ces cassettes avaient été enregistrées il y a vingt ans. Stockées dans un sous-sol, elles n'avaient jamais été rendues publiques».

??travers Benazir Bhutto, c'est aussi le destin de sa famille, les «Kennedy du Pakistan», que retrace le documentaire. Une famille dominée par l'image du père de Benazir, Zulfikar Ali Bhutto, ancien président et Premier ministre, pendu par le régime militaire.

Assassinats, morts violentes ou inexpliquées, conflits internes, gloire et exil, rien ne maque pour forger la légende des Bhutto.

«Vous ne pouvez pas avoir une conversation sur ces familles sans vous demander également «Et si...?» Et s'il y avait eu un second mandat pour J.F. Kennedy? Et s'il y avait eu un troisième mandat pour Benazir Bhutto?», se demande Duane Baughman.

Mais le film témoigne que ses deux mandats donnent déjà de quoi alimenter largement les livres d'histoire. «Son héritage sera débattu par les générations à venir», estime-t-il.