Il fut un dangereux baron de la drogue. A mis la Colombie à feu et à sang. Fait tuer des tonnes de gens, dont deux importants politiciens. Et fut finalement assassiné à Medellín en 1993. 

Quel est l'héritage de Pablo Escobar? Personne ne pourrait mieux y répondre que son propre fils, qui se dévoile enfin dans le fascinant documentaire Los Pecados de mi Padre (Les péchés de mon père), présenté mardi prochain dans le cadre du 15e Festivalissimo. De son propre aveu, son papa n'aura laissé que ruines, malheurs et désolation sur son passage.

Ce film sera sans nul doute un moment fort de l'événement. Non seulement pour son mémorable générique - brillant mélange d'animation et de vraies images - mais aussi, et surtout, pour cette incroyable histoire qui a secoué la Colombie des années 80 et 90, ici racontée de l'intérieur, par un jeune homme pas encore remis de ses traumatismes.

Juan avait 16 ans quand Pablo Escobar a été éliminé par l'armée colombienne. Sur le coup, il avait publiquement juré d'avoir la peau de ceux qui avaient eu celle de son père. Quinze ans plus tard, il a changé son fusil d'épaule (sans mauvais jeu de mots). Désormais planqué en Argentine, il vit sous un nouveau nom et travaille comme architecte. Même si les années de violence sont derrière lui, il porte encore le poids des crimes de son paternel et cherche le pardon. Coupable d'avoir été «le fils de» ...

Le documentaire le suit dans sa longue route vers la rédemption. Et culmine dans sa rencontre avec les fils des deux politiciens importants que son père a fait assassiner. Cette réconciliation à la caméra a valeur de symbole. Celui d'un pays blessé, qui cherche la voie de la guérison. On comprend bien, par ce film, à quel point la Colombie a souffert - et souffre encore - du trafic de narcotiques. Pablo Escobar le disait lui-même: «Pour garder le contrôle, je dois provoquer une guerre civile.»

Caïd et père

Caïd sanguinaire? Sans aucun doute. Et pourtant, l'homme était aussi papa. L'angle absolument inédit de ce film nous montre l'autre Pablo Escobar, chantant l'opéra et racontant des contes des frères Grimm à ses enfants. Les nombreux films d'archives, absolument incroyables, nous montrent le bandit dans l'intimité, avec sa famille, ou faisant de la motomarine en bedaine.

On montre aussi des extraits de vidéos maison narrés par Escobar lui-même, faisant la promotion de son parc faunique, sur une musique disco des années 80 digne de Miami Vice. Riche à ne plus savoir quoi faire de son argent, le trafiquant s'achetait pour des millions de dollars d'oiseaux tropicaux, de zèbres et d'éléphants. Il avait construit son propre Neverland.

Pour son fils, ce monde en dehors du monde était la réalité. Ce n'est qu'avec l'explosion de la violence et le dérapage progressif de son père qu'il prendra conscience de son statut particulier. Un statut qui, plus d'une fois, lui fera craindre pour sa vie. Et le forcera en fin de compte à s'exiler pour se faire oublier. Il fut sans doute la première victime du cartel de Medellín. Sans renier son géniteur, il porte aujourd'hui un regard triste et implacable sur l'homme qui a gâché sa vie. «Même au Monopoly, il trichait...»

Los pecados de mi padre, documentaire argentin de Nicolas Entel. En espagnol avec sous-titres anglais Mardi 8 juin, 17h30 au Cinéma eXcentris

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