Plus de deux ans après l'avoir tourné, Roy Dupuis verra enfin ce soir L'instinct de mort dans le cadre du festival Fantasia. Dans ce premier volet du diptyque Mesrine, l'acteur incarne Jean-Paul Mercier, complice québécois du célèbre caïd français.

Roy Dupuis arrive sur le plateau de la nouvelle série télévisée Les rescapés. Il n'a pas encore l'allure du personnage des années 60 qu'il aura au moment où tournera la caméra; seule une petite moustache naturelle trahit ce voyage dans le temps. Pour l'heure, la star québécoise a les pieds bien ancrés dans le présent. Et la tête déjà projetée dans l'avenir.

Le présent, ce sont les films. Dont, bientôt, le prochain Marc-André Forcier. L'avenir, c'est cet appel du large qui l'amènera à entreprendre un voyage autour du monde sur son bateau, idéalement pendant cinq ans.

«Je ne me suis jamais senti aussi vivant que quand je me suis retrouvé en mer, explique-t-il. C'est un appel très fort. On se retrouve seul en communion avec des éléments beaucoup plus grands que soi. Pour la première fois de ma vie, j'ai un projet à long terme!»

Il ne sait pas encore quand il prendra le large. Le temps de terminer la série, de tourner le ou les films qui lui semblent essentiels. «Ce sera dans un an ou deux, peu importe. Je ne sais pas quand je pars; je ne sais pas quand je reviens non plus. Tout est ouvert!»

Dans le présent, il y a aussi la sortie québécoise, avec bientôt deux ans de retard, de L'instinct de mort, premier volet du diptyque Mesrine, dont une bonne partie de l'intrigue se déroule au Québec. Dupuis prête ses traits à Jean-Paul Mercier, complice québécois du célèbre caïd français, incarné par Vincent Cassel.

«Je vais voir le film pour la toute première fois ce soir à Fantasia! lance l'acteur. J'ai le DVD depuis longtemps à la maison, mais je ne l'ai jamais regardé. Je ne vois habituellement les films dans lesquels je joue qu'aux premières. Je ne les regarde jamais chez moi. Je n'en vois pas l'intérêt!»

Roy Dupuis garde un excellent souvenir du tournage, dont une bonne partie s'est déroulée à Paris, où fut notamment recréée la cour du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, lieu d'une mémorable tentative d'évasion.

«J'ai beaucoup aimé travailler sous la direction du réalisateur Jean-François Richet, dit-il. J'étais surtout impressionné par les moyens dont disposait la production. Ils ont pris une journée entière juste pour placer le kodak! Je n'avais jamais vu ça!»

Un truc amusant

Même s'il a lu quelques articles publiés à l'époque afin de connaître un peu mieux le personnage qu'il devait incarner, l'acteur s'est surtout laissé porter par le scénario. Le tournage de L'instinct de mort a eu lieu à un moment où Dupuis enchaînait les films.

«C'est un peu comme apprendre à danser, observe-t-il. Même si on se fait tirer dessus et qu'on doit jouer la souffrance, il reste que, à la base, il s'agit d'une chorégraphie. J'avais déjà joué du gun pour la série Nikita. Jouer la violence intérieure ou l'exprimer avec les mains ou un fusil, c'est pareil. Mais là, c'était juste un peu plus amusant parce qu'on avait assez de moyens pour aller jusqu'au bout des choses.»

Le tournage de Mesrine a aussi permis à Roy Dupuis de renouer avec Vincent Cassel, avec qui il a déjà bâti une complicité, il y a environ 25 ans...

«Je sortais tout juste de l'École nationale et j'ai été embauché pour tenir un rôle dans un film français qui ne s'est finalement jamais fait. Je n'avais jamais mis les pieds à Paris de ma vie et je m'étais lié d'amitié avec Vincent, qui avait aussi un petit rôle dans ce film. C'est lui qui m'a servi de guide à l'époque. Quand nous nous sommes retrouvés sur le plateau de Mesrine, c'était un peu comme si nous nous étions quittés la veille.»

S'il a abordé ce métier en misant sur le simple plaisir de jouer, Roy Dupuis estime que sa responsabilité s'accentue au fil des ans.

«Avec la maturité vient la responsabilité du citoyen, explique-t-il. Plus que le personnage que j'ai à jouer, c'est maintenant le projet dans son ensemble qui emportera mon adhésion ou pas. La pertinence du propos, le point de vue social, son utilité. Quand il s'agit seulement de jouer pour jouer, on dirait que ça vient moins me chercher, maintenant.»

Ayant plusieurs causes sociales à coeur, l'homme n'exclut pas la possibilité de voir le militant prendre un jour le pas sur l'acteur.

«J'ai eu parfois du mal à composer avec la notoriété, particulièrement à l'époque des Filles de Caleb, mais l'un des avantages est de pouvoir donner une voix à des personnes qui ne pourraient pas être entendues autrement. C'est une façon de me servir de ma popularité.»

Ces causes le préoccupent en tout cas davantage que les débats qui ont cours actuellement à propos de notre cinématographie nationale. L'acteur n'en reste pas indifférent pour autant.

«Je ne sais pas si la situation est stimulante ou pas pour le cinéma, au Québec, présentement. J'ai plutôt tendance à penser que non. Il me semble qu'on s'en va de plus en plus vers la facilité, vers les recettes, vers «l'industrie» du cinéma. Mais le cinéma, c'est aussi de l'art. Et où est l'art, là-dedans? Une vision artistique, c'est justement proposer un point de vue différent, qui va à l'encontre des recettes.»

«En même temps, poursuit-il, je peux comprendre les impératifs de l'industrie. Je crois qu'il reste un équilibre à trouver. Cela dit, c'est un aspect de la discussion qui ne m'intéresse pas beaucoup. Je me sens plus concerné par les questions citoyennes que par les débats sur le financement du cinéma. Je constate cependant que je lis plein de scénarios intéressants, écrits par des jeunes, qui ne seront probablement jamais réalisés.»

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L'instinct de mort est présenté ce soir à 18 h 30 au Théâtre Hall de l'Université Concordia dans le cadre du festival Fantasia. En salle le 13 août.