Jean-Marc Moutout est le réalisateur du film De bon matin pour lequel le comédien Jean-Pierre Darroussin accorde aujourd’hui une entrevue dans La Presse. Ce film raconte les dernières heures tragiques de Paul Wertret, employé modèle d’une banque qui, sous la pression constante de ses supérieurs, finit par craquer.

> Notre entrevue avec Jean-Pierre Darroussin

Nous avons rencontré M. Moutout au Festival international du film francophone de Namur en Belgique.

1- Qu’est-ce qui vous a conduit à écrire ce film?

«Il s’agit d’une fiction construite autour d’un fait divers survenu à l’été 2004 en Suisse et dont j’avais entendu parler à la radio. À l’époque, j’avais fait un premier long métrage qui s’appelait Violence des échanges en milieu tempéré, histoire d’un jeune homme qui, diplômé de l’école de commerce, perd ses illusions en s’inscrivant dans la vie professionnelle. J’avais l’impression d’avoir dit ce que j’avais à dire sur le monde du travail. Mais cet événement m’a fortement interrogé. Deux ou trois ans après celui-ci, je me demandais toujours comment un homme sans histoire, père de famille, cadre supérieur à 50 ans, peut basculer dans un tel acte. Je voulais entrer dans la tête d’un homme qui repasse le fil de sa vie au moment où il va la quitter. C’est ma proposition de fiction autour de cette réalité dramatique.»

2- Pourquoi ne pas avoir enquêté sur l’événement et réaliser un film collé sur celui-ci?

«J’ai commencé à m’en occuper seulement deux ou trois ans plus tard. Je suis allé sur les lieux, mais je me demandais comment j’allais cogner aux portes, aborder des employés ou interroger une famille sur le sujet, ce qui est très difficile. Et je ne voulais pas me sentir lié, prisonnier de l’événement. De là, tout est fiction. Je n’ai rien conservé de cet événement sinon un homme de 50 ans qui tue deux supérieurs plus jeunes que lui.»

3- Le film repose beaucoup sur les épaules de Jean-Pierre Darroussin. Qu’est-ce que vous appréciez chez lui?


«Pour moi, c’est un choix qui s’est imposé, qui était assez évident. Évidemment, il avait l’âge requis. Je savais que le film serait sombre, dur, froid et Jean-Pierre incarne ce Monsieur Toutlemonde qu’on aime bien. Si j’avais pris quelqu’un de plus dur, carnassier ou fringant, il aurait été plus difficile de l’amener vers la fragilité du personnage et à une acceptation du spectateur.»

4- Quelles qualités voyez-vous chez M. Darroussin?

«Il possède un mélange d’intelligence et de lucidité qui renvoie à la chaleur humaine. Ce n’est pas un requin, un carriériste, un égoïste. Dans le film, il renvoie l’image d’un homme de compromis, qui n’a pas la force d’opposition. Il n’est pas le valeureux héros, intrépide et contestataire. Après le film, j’ai découvert un comédien qui a une aisance à bien jouer quels que soient les paramètres techniques. Rien ne l’embête! Il est dans une rythmique de jeu qui n’est jamais fausse. Il est toujours habité. Et ça, c’est important!»

5- Avez-vous de l’empathie et de la compassion pour votre personnage de Paul?

«Oui. J’aime mon personnage que j’ai accompagné durant trois ans. J’ai vécu avec lui. J’ai parfois sombré avec lui. Il n’était pas facile à porter tous les jours. Je comprends cet homme. J’aime ce qu’il a tenté de réussir, ce qu’il a parfois raté, parfois réussi, ses contradictions, ses manques et ses volontés de bien faire.»