À 72 ans, le scénariste et réalisateur américain Paul Schrader vit avec son temps. Il est, par exemple, monté à bord du train Netflix sans regarder en arrière. Invité d'honneur du FNC, il est de passage à Montréal pour une rétrospective et une classe de maître. La Presse l'a rencontré.

Foi de Paul Schrader, l'arrivée de Netflix a tout bouleversé dans le monde du cinéma et mieux vaut s'accrocher à ce bulldozer si l'on veut survivre.

«Tout ce que nous avons appris au cours des 100 dernières années en matière de cinéma ne s'applique plus, lance-t-il en entrevue dans un hôtel du Vieux-Montréal. Comment les films sont financés, comment ils sont distribués, comment ils sont présentés... Tout a changé! Netflix a renversé les vieux studios, propose un modèle d'affaires où elle ne parle pas de ses profits ni de ses statistiques d'écoute et a pour seul territoire le monde entier!»

Des regrets? Pas du tout, répond le scénariste et réalisateur dont le film Dog Eat Dog est offert sur cette plateforme de diffusion en continu.

«Le travail des artistes n'est pas de critiquer les outils mis à leur disposition, mais de les utiliser. Tu ne rejettes pas les moyens qu'on te donne. Tu les prends!»

N'a-t-il pas été d'ailleurs un des premiers réalisateurs connus à faire appel à la plateforme d'autofinancement Kickstarter pour un de ses projets, à savoir The Canyons? «Je discutais avec mon ami scénariste Bret Easton Ellis qui m'a dit qu'avec la technologie existante, on pouvait maintenant faire notre propre film, le financer nous-mêmes, etc. On l'a fait et on a fait de l'argent. C'est beaucoup de travail, mais je voulais l'essayer au moins une fois.»

Dans le milieu du cinéma indépendant, Paul Schrader est un artiste incontournable. Ayant amorcé sa carrière au milieu des années 70, il s'est d'abord fait remarquer par ses scénarios tels Taxi Driver et Raging Bull avec Martin Scorsese, ou encore The Mosquito Coast avec Peter Weir. Puis, il s'est mis à réaliser des longs métrages tels American Gigolo (1980), Mishima: A Life in Four Chapters (1985), Patty Hearst (1988), Light Sleeper (1992) et First Reformed (2017).

Depuis longtemps, le FNC voulait lui rendre hommage. «Je le considère comme un des très grands cinéastes américains, dit le programmateur Julien Fonfrède. Il propose un cinéma de qualité qui pousse la réflexion. Il est aussi considéré comme quelqu'un d'important dans les départements universitaires de cinéma pour avoir écrit un ouvrage sur les cinéastes Bresson, Breyer et Ozu, qui ont eu une influence sur son travail.»

Paul Schrader nuance. Oui, il admire ces trois réalisateurs, mais ne se réclame pas d'eux. «Le seul film que j'ai fait dans leur style est First Reformed, qui s'inspire de Bresson. Autrement, j'ai toujours voulu faire autre chose, dit-il. Ce n'est pas moi. Je préfère des films de sexe, de violence, d'action et d'empathie, loin d'un style austère.»

Un projet québécois?

Schrader connaît bien le Québec pour y avoir tourné son long métrage Affliction mettant en vedette Nick Nolte, James Coburn et Sissy Spacek en 1997.

«On logeait à l'Intercontinental, se remémore-t-il. L'histoire se déroulait dans le New Hampshire et la région autour de Montréal servait de décor rural à nos scènes. Je me souviens aussi qu'il faisait froid! Mais comme l'histoire se déroulait en hiver, nous ne voulions pas tourner dans un État américain où la neige aurait pu se mettre à fondre.»

Le réalisateur possède depuis longtemps dans ses cartons un projet de film centré sur la mafia montréalaise. Un projet, dit-il, où des Italiens de Buffalo et des Québécois s'affrontent dans une guerre à la fois ethnique et mafieuse. Or, un de ses amis, le producteur Frank Murray, un Montréalais d'origine, caresse l'idée de relancer ce projet.

«Frank veut en faire une télésérie, dit M. Schrader. Pour ce que j'en sais, il n'y a cependant rien de neuf autour de ce projet en ce moment. Nous allons toutefois profiter de ma visite pour discuter d'un autre projet que nous avons ensemble.»

Sans trop vouloir en dire davantage, M. Schrader laisse entendre vouloir faire un film qui mettrait en vedette Ethan Hawke, vu dans First Reformed, et Willem Dafoe, un de ses acteurs fétiches qui a joué dans au moins cinq de ses films.

«Ce sera un genre de western contemporain», indique-t-il. Et ce sera sans doute sur Netflix...



___________________________________________________________________________

> Classe de maître (rencontre): le vendredi 12 octobre, à 17 h (Cinémathèque québécoise)

> Affliction (projection): le samedi 13 octobre, à 19 h (Cinémathèque québécoise)

> Light Sleeper (projection): le dimanche 14 octobre, à 19 h 30 (Cinémathèque québécoise)