Outlaw King marque l'histoire à sa façon. Ce drame historique visuellement spectaculaire, campé dans l'Écosse médiévale, est le premier film Netflix présenté à la soirée d'ouverture officielle d'un grand festival de cinéma international.

En 2018, alors que de nouveaux diffuseurs en ligne s'imposent au point de transformer complètement la donne, le TIFF a choisi un film Netflix - Outlaw King - pour lancer les festivités.

C'est dire qu'à part le public festivalier, et peut-être aussi quelques cinéphiles à New York et Los Angeles, où il prendra sans doute l'affiche dans quelques salles pour se qualifier aux Oscars, personne ne verra ce film à grand déploiement sur grand écran.

Si les organisateurs du Festival de Cannes ont eu avec Netflix un conflit ayant eu pour résultat le retrait de toutes les billes du diffuseur sur la Croisette, les bonzes des grands festivals de cinéma de l'automne - Venise, Telluride, Toronto - n'ont aucune réticence à lui dérouler leur tapis rouge.

Valait-il la peine de le faire pour Outlaw King? Sans doute. Cette production ambitieuse, parfois très spectaculaire, est par moments ponctuée de très beaux traits de mise en scène et d'aussi beaux mouvements de caméra, mais elle se trouve en revanche un peu plombée par ses anachronismes.

Un Braveheart 2.0?

Réalisé par David Mackenzie, qui s'est distingué il y a deux ans grâce à l'excellent Hell or High Water, Outlaw King met en vedette Chris Pine dans le rôle de Robert the Bruce, héros mythique écossais qui, au début du XIVe siècle, a régné sur l'Écosse malgré la furie des Anglais. Il fut d'ailleurs un temps forcé à l'exil.

Le cinéaste a voulu emprunter un parti pris de réalisme afin d'illustrer la brutalité de l'époque (certaines scènes sont très violentes), mais ce que certains appellent déjà un Braveheart 2.0 distille pourtant un aspect de modernité qui cadre parfois mal avec l'approche adoptée au départ.

Hier, nous avons cependant eu la chance de voir ce film sur l'écran - immense - du Princess of Wales Theatre, dans un environnement sonore qui remue le spectateur de l'intérieur. Mais à l'ère Netflix, ironie du sort, nous ne resterons qu'une poignée de privilégiés à l'avoir vu dans de telles conditions.

Pas faciles, les films d'ouverture

Le choix d'un film d'ouverture a souvent donné des maux de tête aux organisateurs du TIFF. Il leur en donne peut-être encore davantage aujourd'hui qu'à l'époque où il était de coutume qu'un film canadien ait droit à cet honneur. On a d'ailleurs mis fin à cette tradition il y a quelques années, car les invités internationaux ne se pointaient guère à la soirée. Ils avaient sans doute l'impression d'une fête essentiellement locale, comme un petit hors d'oeuvre sympathique avant d'entamer une première "vraie" journée de festival, laquelle, dans leur esprit, commençait toujours officiellement le lendemain.

Tous ceux qui étaient là en 2010, l'année où le TIFF fut lancé par Score: A Hockey Musical (une comédie musicale avec des hockeyeurs qui chantent), se souviennent encore des frissons d'horreur qui leur ont parcouru l'échine à la vue de ce film aujourd'hui psychotronique. Ce jour-là, la tradition de la soirée d'ouverture obligatoirement canadienne fut enterrée à tout jamais. Cela n'a pas facilité la tâche des sélectionneurs pour autant.

Il suffit de dresser la liste des films que le TIFF a choisis pour lancer son festival au cours des dernières années (voir plus bas) pour se rendre compte à quel point l'exercice ne relève pas du tout de l'évidence. Manque de pot, l'année où un film réunissait vraiment toutes les qualités du film d'ouverture idéal pour Toronto, il s'adonne qu'il n'a pas obtenu l'accueil escompté. Réalisé par Jean-Marc Vallée, Demolition, qui a ouvert le TIFF il y a trois ans, était une production américaine mettant en vedette Jake Gyllenhaal. Les planètes ne pouvaient être mieux alignées et pourtant, parmi les films américains réalisés par le cinéaste québécois, Demolition a eu la plus faible résonance.

L'an dernier, Borg/McEnroe est aussi passé sous le radar. Il n'est même jamais sorti en salles au Québec. 

L'avenir nous dira si Outlaw King s'inscrira dans la mémoire festivalière du TIFF, mais il a assurément lancé cette 43e édition sur une bonne note.

Les films d'ouverture du TIFF des 10 dernières années

> 2008: Passchendaele, de Paul Gross

> 2009: Creation, de Jon Amiel

> 2010: Score: A Hockey Musical, de Michael McGowan

> 2011: From the Sky Down, de Davis Guggenheim

> 2012: Looper, de Rian Johnson

> 2013: The Fifth Estate, de Bill Condon

> 2014: The Judge, de David Dobkin

> 2015: Demolition, de Jean-Marc Vallée

> 2016: The Magnificent Seven, d'Antoine Fuqua

> 2017: Borg/McEnroe, de Janus Metz

Photo Evan Agostini, Associated Press

Le TIFF a choisi un film Netflix pour lancer les festivités. Chris Pine, la vedette d'Outlaw King, était attendu par de nombreux admirateurs.