Il était environ 19h quand Jean-Marc Vallée est arrivé sur la scène du Princess of Wales Theatre pour présenter l'équipe de Demolition devant une salle pleine à craquer. Une heure plus tard, tout ce beau monde se dirigeait vers la salle Roy Thomson Hall, là où avait lieu officiellement la grande soirée d'ouverture du 40e TIFF.

Le cinéaste québécois a pratiquement présenté tous ses films au festival de Toronto, parmi lesquels Dallas Buyers Club en 2013 et Wild l'an dernier. Agissant à titre de maître de cérémonie, Vallée s'est comporté en vieux pro de la scène, «travaillant» la salle avec un aplomb et une aisance de tous les instants.

«Bonsoir Toronto!», a-t-il d'abord lancé en français. Il a aussi confié au public à quel point il était grisant pour un cinéaste de voir comble une grande salle comme celle du Princess of Wales, laquelle compte 2000 places.

«Il s'agit probablement du plus rock and roll de mes films, a-t-il ajouté en guise de présentation. C'est un film qui fait du bruit. Et qui donnera le ton à ce 40e festival!»

Demolition est, en fait, une histoire de reconstruction totale. Le sujet du film annonçait un ton tragique, mais Vallée, ici, étonne en nous offrant plutôt une comédie dramatique au ton un peu décalé. Menée par un Jake Gyllenhaal visiblement ravi d'avoir l'occasion de s'en donner à coeur joie, l'histoire est celle de Davis, un financier dont la vie bascule en un instant. Sa femme adorée, qui conduisait la voiture dans laquelle il se trouvait aussi, n'a pu être sauvée de l'accident dans lequel ils ont été impliqués.

Le deuil et le sentiment de culpabilité ont pour effet de couper complètement cet homme de ses émotions. Devenu insensible à tout, il doit même parfois prendre des mesures un peu extrêmes pour se convaincre de pouvoir ressentir quelque chose.

L'aspect plus décalé du récit vient du fait que le soir même de la mort de sa femme, Davis commence une relation épistolaire inusitée. La friandise commandée dans une machine à l'hôpital étant restée coincée, l'homme porte plainte à l'entreprise. La préposée à la clientèle (Naomi Watts) est réceptive à ses doléances. Une relation d'amitié naîtra.

Davis entreprend aussi de détruire physiquement tout ce qu'il peut. Quitte à aller apprendre d'abord sur les chantiers comment on démolit une maison.

Si l'on reconnaît bien sûr les thèmes chers à Jean-Marc Vallée, il reste que le réalisateur de C.R.A.Z.Y. offre ici un film plus léger, souvent drôle, sans toutefois pour cela évacuer la profondeur du récit. Évidemment, il y a aussi une trame musicale d'enfer, dans laquelle un vieux tube de Heart (Crazy on You) côtoie La bohème d'Aznavour.

À moins que le distributeur ne change de stratégie (souhaitons-le), Demolition prendra l'affiche seulement le 8 avril 2016 dans les salles nord-américaines.

Une 40e édition festive

L'équipe du TIFF, dirigée par Piers Handling, n'était pas peu fière de célébrer le lancement de cette 40e édition. Pour l'occasion, un film retraçant quelques bons souvenirs a été réalisé par Barry Avrich.

On ne cachait pas non plus sa joie à l'idée d'avoir pu présenter Demolition à la soirée d'ouverture. Pendant plusieurs années, le TIFF s'était donné pour mandat de toujours ouvrir le festival avec un film canadien. Or, ces films ne suscitaient généralement guère d'intérêt auprès de la presse internationale. Le fond du baril a été atteint il y a cinq ans avec la présentation de Score: A Hockey Musical, probablement l'un des plus mauvais films de l'histoire du cinéma canadien.

Même si cette règle ne s'applique plus, le TIFF a toujours eu du mal avec ses films d'ouverture. L'an dernier, The Judge est un peu passé dans le beurre.

Grâce à Demolition, le meilleur des deux mondes est réuni en un seul film: un cinéaste de chez nous à la barre d'une production hollywoodienne attendue, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts pour têtes d'affiche.

«Et Jean-Marc Vallée est canadien! s'est d'ailleurs enthousiasmé le directeur artistique Cameron Bailey dans sa présentation. Bon d'accord, nous sommes à Toronto, il est de Montréal, c'est un fier Québécois, mais il est canadien!»