Le Festival de Cannes est une sorte d'Organisation des Nations unies, en version cinéma. Les réalisateurs et les médias du monde entier sont habituellement représentés d'une manière ou d'une autre lors de la grande célébration du cinéma. Et la Croisette résonne des multiples langues parlées par ses invités.

Ainsi, la sélection de films de cette année a été accueillie avec consternation par certains quand un dénominateur commun a été remarqué dans plusieurs choix de longs métrages en compétition: la langue anglaise.

Même s'il n'y a que deux réalisateurs américains en compétition pour la Palme d'or et aucun Britannique, le festival accueille cette année l'élite des réalisateurs européens, dont plusieurs ont choisi de travailler dans une langue qui n'est pas la leur.

Sur un continent qui a regardé avec appréhension l'anglais devenir une sorte de langue commune, on craint maintenant que le cinéma européen contemporain ne souffre de l'omniprésence de la langue de Shakespeare.

Le quotidien britannique The Guardian a déclaré qu'un «virus anglophone» était en train de se répandre.

Paolo Sorrentino, de l'Italie, présentait mardi la première de son second film en anglais «Youth» mettant en vedette Michael Cain et Harvey Keitel. Quatre autres noms célèbres du cinéma international, Joachim Trier de la Norvège, Matteo Garrone de l'Italie, Yorgos Lanthimos de la Grèce et Michel Franco du Mexique - y présentent tous leur premier film en anglais.

Et il y a bien sûr le réalisateur québécois Denis Villeneuve, qui a présenté en première, mardi, son film Sicario, un thriller sur la guerre des narcotrafiquants... en anglais.

Plusieurs réalisateurs ont justifié leur choix d'utiliser une autre langue soit par leur curiosité créative ou par les avantages que cela leur apportait.

Yorgos Lanthimos n'y voit pas de problèmes. Il croit que dans cette époque moderne, cela se produit tous les jours, car les gens vivent partout dans le monde et travaillent aussi partout dans le monde. Même s'il qualifie la forte présence de l'anglais d'une «étrange coïncidence», il ne croit pas que cela soit significatif. Et il précise que dans son cas, il est plus facile de réaliser un film en anglais et d'avoir plus de ressources qu'en Grèce.

Le directeur du festival Thierry Frémaux dit que l'anglais fonctionne comme un nouvel espéranto, mais qu'il faudra attendre de voir s'il s'agira de plus qu'une tendance passagère. Il ajoute qu'il comprend que certains qui veulent intégrer le marché américain choisissent l'anglais, mais ajoute que de nombreux grands réalisateurs filment toujours dans leur propre langue.