Aujourd'hui a lieu la première des quatre projections d'Une colonie à la 69e Berlinale. Le très beau film de Geneviève Dulude-De Celles a été retenu dans la section compétitive Génération Kplus constituée de films abordant des thèmes liés à la jeunesse. La cinéaste évoque pour nous des oeuvres qui l'ont marquée.

Entre les murs

«Quand est venu le moment d'élaborer Une colonie, il est certain qu'un film comme Entre les murs sert d'inspiration. J'aime l'approche très documentaire que privilégie Laurent Cantet dans ses films. Il donne la parole aux jeunes, de façon très réaliste, et ça me parle beaucoup. Quand j'ai réalisé mon documentaire Bienvenue à F.L., Entre les murs avait aussi été une référence. J'ai commencé à étudier en cinéma il y a une quinzaine d'années et j'ai traversé toutes sortes de phases. J'ai beaucoup tripé sur Federico Fellini, même si son cinéma n'a rien à voir avec le mien. Celui de Peter Greenaway aussi, même si son approche burlesque s'inscrit dans une esthétique complètement opposée à ce que je fais. Chris Marker, Bernardo Bertolucci, surtout pour Le conformiste. Ces cinéastes m'ont donné une idée des immenses possibilités qu'offre le cinéma.»

Simon Boulerice

«J'aime le travail de Simon Boulerice dans son ensemble, mais particulièrement ses oeuvres destinées aux jeunes, parce qu'elles s'adressent autant aux adultes. Le ton qu'il emprunte dans son écriture me rejoint beaucoup.»

Les photos de Rineke Dijkstra

«Cette photographe néerlandaise a notamment regroupé des portraits de jeunes dans la série Beach Portraits. L'approche est très simple, mais cette artiste parvient à capter toute la vulnérabilité des êtres qu'elle photographie. La série Water-polo, du photographe français Charles Fréger, m'a fait le même effet. Cette façon de capter les physionomies m'a beaucoup interpelée, et ces oeuvres m'ont nourrie sur le plan de la mise en scène. Tout comme les films d'Andrea Arnold et de Cristian Mungiu, qui sont souvent construits autour de personnages qui observent. Quand on écrit une histoire de "coming of age", comme l'est finalement celle d'Une colonie, il y a des codes très précis au départ parce que le genre est déjà très fréquenté. Un prof au cégep disait toujours qu'il valait mieux partir d'un cliché que d'y arriver!»

La nouvelle vague roumaine

«En 2006, j'ai habité en Roumanie. J'ai pu enseigner le théâtre et le cinéma dans le cadre d'activités parascolaires là-bas. J'y étais à l'époque de la naissance de ce qu'on a appelé la nouvelle vague roumaine. Le cinéma de Cristian Mungiu, bien sûr, qui a remporté la Palme d'or du Festival de Cannes en 2007 grâce à 4 mois, 3 semaines, 2 jours, est remarquable. Le film 12:08 à l'est de Bucarest, de Corneliu Porumboiu, m'a beaucoup plu aussi. Je suis très impressionnée par tout ce mouvement, car les cinéastes qui en font partie ont très peu de moyens. Chaque film tient du miracle!»

Jean-Michel Blais

«J'adore ce qu'il fait. Sa démarche s'inscrit dans la simplicité, et je trouve sa musique très cinématographique.»

Goran Bregovic

«J'ai toujours aimé les trames musicales de films. Celles de Goran Bregovic sont magnifiques, surtout celles qu'il a composées pour les films d'Emir Kusturica. La bande originale d'Underground m'a particulièrement marquée. J'ai eu la chance de le voir en spectacle à Montréal il y a quelques années. C'était magnifique.»

Karen Pinette Fontaine

«J'ai grandi à Saint-Aimé, près de la réserve autochtone d'Odanak, mais nous n'avions pas vraiment de contacts avec les Abénakis. Devenue adulte, j'ai travaillé pour le Wapikoni mobile, et j'ai eu la chance de passer quatre étés chez les Innus de la Côte-Nord. Ce fut pour moi un choc de découvrir cette culture très riche, à l'intérieur même de notre territoire. Quand j'ai écrit Une colonie, j'ai construit le personnage de Jimmy, le jeune autochtone, en pensant aux jeunes rencontrés là-bas. C'est grâce au Wapikoni mobile que j'ai pu rencontrer Karen Pinette Fontaine, une jeune femme de 19 ans, qui possède une hyper belle plume et qui fait des choses extraordinaires. Elle a notamment réalisé Batailles, un court métrage qui nous a jetés à terre!»

Léolo

«Quand j'ai vu Léolo au cégep la première fois, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps dès la cinquième minute! Ce film de Jean-Claude Lauzon m'a profondément touchée. Il m'a aussi permis de croire qu'il était possible de faire ce genre de cinéma au Québec. Vraiment, ce film a été déterminant pour moi. Je retrouvais dans celui-ci une poésie audacieuse, une mise en scène fellinienne aux accents burlesques, libre, d'une belle folie lyrique. Un film portant sur l'imaginaire très intime du cinéaste, mais qui restait quand même profondément ancré dans notre culture québécoise. Spontanément, je dirais que c'est le plus beau film jamais produit au Québec.»

Une colonie est à l'affiche au Québec.