Le cinéaste François Delisle a eu droit au traitement royal pour la première de son film Le météore présenté dans la section Forum, mardi soir à la Berlinale: salle du Cinestar Event, là où sont présentés en saison régulière, les opéras du Met de New York, écran géant, sièges douillets en nombre suffisant pour les 350 spectateurs qui ont répondu à l'appel, tout cela pour un film très expérimental, plus proche de la photographie que du cinéma.

Mais à Berlin, on traite l'avant-garde et l'expérimentation avec des égards et des gants blancs. Autant dire que Delisle, dont les films (Deux fois une femme, Le bonheur est une chanson triste) n'avaient jamais été invités à Berlin, était aux oiseaux. Et d'autant plus, que Le météore qu'il a réalisé avec trois bouts de chandelles et la participation de sa mère, de son fils de 17 ans et de lui-même comme acteur pour économiser de l'argent, est son film le plus radical sur le plan narratif et le moins accessible.

Or, ironie du sort, c'est celui qui marche le plus à l'international, autant à Sundance qu'à Berlin et bientôt au MoMA à New York.

«C'est un film qui, pour moi, marque un point de non-retour, a lancé Delisle dans le salon des invités de Forum. Avant, j'avais le sentiment de travailler plus avec des conventions collectives qu'avec un scénario. Le météore est né d'une nécessité de retrouver ma liberté de créateur et de combattre l'enfermement du cinéma.»

Comme par hasard, Le météore parle justement d'enfermement: celui d'un prisonnier qui attend la visite de sa mère, le tout sur une débauche d'images de nuages, de chutes d'eau, de fleurs et de ciels tourmentés inspirés par les polaroids de sa compagne, la photographe Anouk Lessard.

Le prisonnier est incarné par Delisle, mais c'est la voix de François Papineau qui nous livre son monologue intérieur.

Delisle est conscient que son film est à prendre ou à laisser. «Je savais que ça allait être quitte ou double, mais il n'était pas question que j'arrondisse les angles pour plaire à tout le monde.»

Le débat à la sauce Guzzo qui fait rage au Québec et oppose le cinéma pop-corn au cinéma d'auteur le laisse parfaitement indifférent.

«En fait, précise-t-il, ça se passe partout dans le monde. Ou bien un film est hyper commercial ou bien hyper pointu. Le milieu n'existe plus.»

Le cinéaste, qui est aussi producteur à ses heures pour Catherine Martin et Julie Hivon, estime qu'au prix qu'a coûté son film (250 000$), il a gagné son droit à la liberté. «Nous sommes en 2013, ajoute-t-il, c'est le temps d'essayer des affaires, non?»

Le météore sortira dans seulement deux salles au Québec le 8 mars. En attendant, il cartonne à Berlin. Comme prix de consolation, on ne fait pas mieux.