Parfois, un jugement ne suffit pas. Un verdict de culpabilité, ça n’est pas assez. Cela prend plus : réparation ou, à tout le moins, discussion. Un face-à-face, carrément. Oui, ça se peut.

Quand punir ne suffit pas, puissant documentaire signé Pauline Voisard, en tournée à travers le Québec dès ce mardi, s’attaque à un volet méconnu de la justice, à la fois complémentaire et alternatif, qui aurait tout intérêt à se faire connaître. À savoir : la justice réparatrice.

C’est quoi ? À la fois un « ton », une « manière » et une « posture d’accompagnement ». Guidée par un médiateur, la justice réparatrice donne (sur une base évidemment volontaire) l’occasion à une victime et à un accusé de se parler. L’un en face de l’autre. À la même table.

PHOTO TIRÉE DU DOCUMENTAIRE

Extrait de Quand punir ne suffit pas

Si l’idée vous fait frémir, sachez que pour certains, cela peut aussi faire le plus grand bien.

C’est ce qu’on retient du film, qui s’inscrit dans la foulée de La victime parfaite ou Je vous salue salope, deux documentaires dénonçant à leur manière cette absence de voix des victimes dans notre système de justice traditionnel, justement. Où sont-elles, les victimes ? Comment peuvent-elles se faire entendre ?

« Moi, j’ai voulu montrer une option, explique la réalisatrice en entrevue. C’est une option […] pas la panacée […], mais une option où des gens tentent d’ouvrir le dialogue. C’est possible. »

Tourné avec pudeur et esthétisme (et plusieurs gros plans sur la nature, un plan d’eau ici, une lune là, pour permettre au spectateur de respirer, le sujet est plutôt lourd, après tout), Quand punir ne suffit pas donne, et pendant une petite heure, le micro à plusieurs médiateurs, mais aussi à toutes les parties de différents crimes commis : une femme et le meurtrier de son père, une jeune fille et son père agresseur, un contrevenant et sa victime.

PHOTO KRYSTINE BUISSON, LE NOUVELLISTE

Pauline Voisard, documentariste

« Pour certaines victimes, qu’un juge déclare l’accusé coupable, ce n’est pas satisfaisant. Ce qu’elles veulent, c’est entendre l’accusé dire : j’aurais pas dû… », dit aussi d’entrée de jeu un médiateur à l’écran.

Non, cela ne se passe pas toujours bien. Certains abandonnent. Tout le monde ne se réconcilie pas à la fin. N’empêche. Imaginez être à la place de cette jeune femme qui, après un long travail qui s’est échelonné sur des années, a fini par rencontrer le meurtrier de son père. Elle voulait des réponses. Elle est finalement sortie de l’exercice avec un constat (et il faut l’entendre le dire à la caméra) : « Pour moi, c’était juste un meurtrier. […] Mais quand je suis sortie […], c’était un être humain. »

« C’est ma perception, commente Pauline Voisard, mais je pense qu’on a tendance à catégoriser les gens. »

Il y a les victimes et les contrevenants. Les méchants et les gentils. C’est rassurant de voir le monde comme ça. Mais des fois, on se rend compte qu’on n’est pas juste une seule affaire…

Pauline Voisard, documentariste

Pour mener à bien son documentaire, elle a travaillé pendant trois ans auprès de plusieurs médiateurs et leurs « protagonistes », comme elle les appelle, pour gagner leur confiance, être autorisée à les filmer (avec des cadrages choisis, des voix modifiées, même quelques reconstitutions), pour proposer ici une incursion unique et privilégiée aux premières loges de cette justice alternative.

« Les gens que j’ai rencontrés, explique-t-elle, m’ont dit qu’ils avaient l’impression d’être entendus, de s’exprimer dans un cadre sécuritaire, de part et d’autre. […] Et le fait qu’ils aient pu s’adresser directement à la personne a fait en sorte qu’ils pouvaient, sans oublier ni pardonner, bien évidemment, tourner la page. C’est une étape, dans un long parcours. »

Pauline Voisard, à qui l’on doit toute une filmographie de documentaires engagés, propose ici un film touchant, déconcertant d’humanité, qui détonne avec le ton ambiant plutôt polarisé. « Moi, ce que j’aime, dans mes films, c’est l’esprit du parcours des petits pas, conclut-elle. Il n’y a pas d’exploits dans une vie, pas de miracles, juste du travail. Et de voir qu’il y a des gens qui sont prêts à ça me fascine. […] Cette espèce de parcours du combattant. Ouvrir des portes pour vivre mieux. […] Parce que si on ne pense pas que les gens peuvent cheminer dans la vie, ça donne quoi, notre système de justice ? »

Quand punir ne suffit pas est présenté en grande première à Trois-Rivières le 11 octobre. Plusieurs projections et discussions sont ensuite prévues à travers le Québec, notamment le 19 octobre à la Cinémathèque, puis le 27 octobre au Cinéma Beaubien.

Le film sera également diffusé le 26 novembre à 22 h 30 sur ICI Télé (à l’émission Doc Humanité).

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