Pour son 7e long métrage, Rafaël Ouellet propose un thriller campé dans le Témiscouata, son patelin d’origine. Mettant en vedette Guillaume Cyr, Karine Vanasse, Luc Picard, Pierre-Paul Alain, Micheline Lanctôt et Julien Poulin, Arsenault & Fils témoigne de l’amour du cinéaste pour sa région. Et pour le cinéma. Rencontre.

Depuis Gurov & Anna, sorti il y a sept ans, ton emploi du temps fut essentiellement consacré à la réalisation de séries télévisées, notamment Nouvelle adresse, Fatale-Station et Blue Moon. Comment est né Arsenault & Fils au milieu de tout ça ?

Rafaël Ouellet : Camion, dont je suis très fier, est mon dernier film personnel. Il est sorti il y a 10 ans. J’ai jeté les premières bases d’Arsenault & Fils il y a très longtemps, pendant qu’on attendait encore le financement de Camion. J’ai relu récemment les premières ébauches et j’ai pu constater que même si, forcément, des choses ont bougé, il en est resté pas mal dans la version finale. J’ai beaucoup travaillé à la télévision pendant ces dix années. J’ai aussi essuyé beaucoup de refus du côté cinéma, ce qui entraîne toujours des remises en question. Je me suis senti heureux en télé, mais je me suis bien aperçu en cours de route qu’il me fallait rembarquer dans un projet d’écriture et de cinéma.

Est-ce que toutes ces années passées à la réalisation de séries télévisées ont eu un impact sur ton approche en tant que cinéaste ?

Oui, mais peut-être pas de la façon qu’on pourrait le croire. Je n’ai absolument aucun problème à mettre en scène les textes des autres — j’ai été choyé avec les Stéphane Bourguignon, Luc Dionne et bien d’autres –, mais là, j’ai vraiment apprécié l’occasion de pouvoir mettre en scène mon histoire, mon univers. Ensuite, même si on fait de la télé avec cœur et qu’on y met toute son expérience, on ne dispose pas toujours du temps nécessaire pour aller au bout de ses idées. J’ai pu réfléchir à ce film pendant plusieurs années. Et j’ai vraiment eu envie de faire parler ma caméra davantage.

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Micheline Lanctôt et Luc Picard dans Arsenault & Fils, un film écrit et réalisé par Rafaël Ouellet

Y a-t-il aussi une volonté plus nette d’atteindre un plus large public cette fois ?

À partir du moment où on a besoin d’un budget plus important pour raconter une histoire [plus de 5 millions de dollars], ça devient quand même un enjeu auquel on ne peut s’empêcher de penser. Dès l’écriture de la deuxième scène, je me suis rendu compte qu’il y aurait beaucoup d’action dans mon scénario et j’avoue y avoir pris goût. Je souhaite évidemment que le film soit vu et aimé par le plus grand nombre possible de spectateurs, mais là n’était pas le but au départ, même si l’affiche semble affirmer le contraire. Il s’adonne que tous ces acteurs sont aussi des vedettes, c’est vrai, mais aucun ne pourrait être remplacé. Aucun.

Sans être autobiographique, Arsenault & Fils semble quand même nourri d’un regard personnel et empathique sur les habitants du Témiscouata…

J’ai parfois l’arrogance de dire que la région n’est pas très souvent représentée de façon juste. Elle est diabolisée, caricaturée ou, au contraire, angélisée. J’ai vraiment eu envie de me mettre à la hauteur des miens, sans les juger. Il y a aussi que j’ai une proximité et une distance à la fois. Bien que je vive à Montréal depuis 25 ans, je n’ai pas perdu l’essence de mes racines. Je retourne souvent à Dégelis. Le rapport au territoire, dans un endroit situé à la frontière du Nouveau-Brunswick et à 10 minutes du Maine, est très important. J’ai d’ailleurs pensé appeler mon film Madawasca un temps, parce que cette rivière part de chez nous, traverse le Nouveau-Brunswick et aboutit aux États-Unis. Tous ces éléments me fascinent et me nourrissent encore.

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Guillaume Cyr est la tête d’affiche d’Arsenault & Fils

Plus d’une dizaine d’années après sa première ébauche, Arsenault & Fils existe et s’apprête maintenant à rencontrer le public. Comment se sent le cinéaste ?

Le cinéaste est vraiment content, vraiment fier. Il ne me revient pas de juger de sa valeur, mais en tant que cinéphile, voilà un film que j’aimerais voir. Il a été fait sans compromis (ou, si j’ai eu à en faire, je les ai oubliés !) et tous les ingrédients que j’ai mis dans le bol à salade goûtent quelque chose. Je suis content et satisfait de ce film. Reste à voir maintenant quel genre d’accueil il aura.

Arsenault & Fils est actuellement à l’affiche.