Son nom n’a encore jamais figuré sur la liste des finalistes, mais Tanya Lapointe vivra de nouveau ce dimanche l’expérience de la soirée des Oscars. Ayant déjà couvert la cérémonie à titre de journaliste, elle y assiste aujourd’hui en tant que productrice exécutive de Dune.

Demandez à Denis Villeneuve de vous parler de Tanya Lapointe et il vous répondra tout de go qu’il ne pourrait concevoir son travail sans elle.

« Elle m’offre un soutien absolument essentiel sur le plan de la logistique et de la production, explique-t-il. Elle est dotée d’un instinct redoutable, a le sens de l’humain, elle sait comment gérer une équipe et faire en sorte que tout le monde puisse donner le meilleur de lui-même. Les gens de Legendary Pictures [la société productrice de Dune] l’adorent et lui donnent de plus en plus de responsabilités. Je suis très impressionné par la façon dont elle a réussi à s’imposer. Quand les gens ont des problèmes à régler, c’est Tanya qu’ils appellent, pas moi ! »

Cette collaboration professionnelle a commencé à l’époque du tournage d’Arrival. L’ancienne journaliste culturelle suivait alors de près le tournage du film avec un réel intérêt et une profonde curiosité.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Tanya Lapointe sur le plateau de Dune

« Le monde du cinéma m’a toujours intéressée et je suis fascinée par sa fabrication, révèle Tanya Lapointe au cours d’un entretien accordé à La Presse. En observant tout ce qui se passait, je me suis dit que je pourrais peut-être contribuer à améliorer le système. Progressivement, j’ai compris qu’un besoin de communication était nécessaire entre les différentes équipes, d’autant que le tournage de Blade Runner 2049, alors en période préparatoire, allait se dérouler à Budapest pendant plusieurs mois. Je suis un peu devenue la tour de contrôle ! »

C’est toutefois en écrivant The Art and Soul of Blade Runner 2049 que sa vocation de productrice est vraiment née. Le projet de ce livre a en effet permis à Tanya Lapointe de synthétiser l’expérience qu’elle a vécue grâce à ce long métrage, d’y réfléchir et, surtout, de discuter avec tous ses artisans. Elle a ainsi pu comprendre leurs besoins.

Je crois que ma force est de régler des problèmes avant même qu’ils se manifestent, de les éviter, en fait. Il faut avoir de bonnes antennes, faire en sorte que tout le monde soit bien et puisse s’épanouir sur le plan créatif.

Tanya Lapointe

« Je crois que le fait d’avoir été journaliste pendant 15 ans à Radio-Canada a contribué à bâtir ce lien de confiance avec les équipes », ajoute-t-elle.

Un power couple à Hollywood

Tanya Lapointe et Denis Villeneuve ont aujourd’hui l’image d’un power couple dans le milieu du cinéma, mais les deux amoureux ont fait très attention au départ à ce que celle qui fut d’abord assistante à la postproduction d’Arrival ne soit pas perçue comme « la blonde de ».

« Sur le tournage de Blade Runner 2049, les gens ont appris qu’elle était aussi ma conjointe au bout de plusieurs mois seulement, indique Denis Villeneuve. Tanya s’est imposée grâce à son très grand professionnalisme et elle est très respectée de tous. »

« Je sais bien que travailler avec son conjoint constitue un risque, ajoute Tanya Lapointe. Mais notre situation n’est pas unique – qu’on pense à Christopher Nolan et Emma Thomas – et ça peut très bien se passer. Je suis fière de ça. Cela dit, j’ai eu une vie professionnelle avant Denis, et à mon sens, il va de soi que je peux exister dans ce milieu. »

PHOTO JERRITT CLARK, FOURNIE PAR LE CONSULAT GÉNÉRAL DU CANADA À LOS ANGELES

Tanya Lapointe et Denis Villeneuve ont pris part à la réception tenue jeudi à la résidence officielle du consul général du Canada à Los Angeles.

Tanya Lapointe n’écarte pas la possibilité de produire un jour le film d’un ou d’une autre cinéaste, mais disons que, pour l’instant, le programme très chargé de Denis Villeneuve est également le sien.

« Et puis, on aime travailler ensemble, ajoute-t-elle. J’ai aussi produit les documentaires que j’ai réalisés [50/50 – Le documentaire et Lafortune en papier] et ces expériences sur des projets à plus petits budgets ont été pour moi très utiles. Les projets de Denis sont tellement prenants qu’ils exigent une concentration entière, mais je vais néanmoins continuer à m’occuper parallèlement de mes projets, en marge de ceux de Denis. »

Un projet de réalisation

Parmi ces projets, il faut notamment compter la réalisation d’un long métrage de fiction inspiré par l’affaire Chantal Daigle, cette jeune femme qui, en 1989, a dû défendre son droit à l’avortement face à une demande d’injonction de Jean-Guy Tremblay, le père présumé.

« Karine Vanasse et Nathalie Brigitte Bustos m’ont approchée pour en assurer la réalisation, mais ce projet est vraiment embryonnaire, indique Tanya Lapointe. Nous en sommes à l’étape de l’écriture du scénario avec Valérie Beaugrand-Champagne. La matière est riche et je crois que le regard que nous pouvons porter aujourd’hui sur cette histoire la rend toujours pertinente. »

A-t-elle par ailleurs l’impression de mener aujourd’hui une vie très différente de celle d’avant ? Oui et non, répond Tanya Lapointe.

« J’ai l’impression que tout ce que j’ai vécu auparavant m’a préparée à ma vie de maintenant. C’est comme si je savais dans quoi je m’embarquais, à quoi ça allait ressembler. Par exemple, la réception du consul général du Canada tenue plus tôt cette semaine, j’y étais déjà allée sept fois en tant que journaliste. J’ai eu le même sentiment quand nous nous sommes retrouvés à la Mostra de Venise, un festival que j’avais aussi couvert à l’époque où je travaillais à Radio-Canada. Je crois que toutes ces expériences m’ont menée là où je suis maintenant. Alors oui, ma vie est aujourd’hui différente, mais elle n’élimine en rien tout ce qui s’est passé avant, au contraire. »