La cinéaste montréalaise Kristina Wagenbauer participe aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) avec Babushka, film consacré à Valentina Nikolaevna Krasiuk, sa grand-mère maternelle, avec qui, enfant, elle a vécu plusieurs années. Un documentaire qui fait écho à son long métrage de fiction Sashinka. Explications.

Q. Après Sashinka (2018), un long métrage de fiction qui parle de votre mère, voici Babushka, un documentaire sur votre grand-mère. Est-ce le sens de la famille ?

R. C’est un thème qui me passionne. J’ai été deux fois immigrante dans ma vie. La première fois, je suis partie de la Russie pour la Suisse, et la deuxième fois, de la Suisse au Canada. Toute petite, je vivais avec ma grand-mère maternelle en Russie et je suis arrivée en Suisse à 8 ans pour rejoindre ma mère. Dans la vingtaine, j’ai fui ma mère [rires], que j’aime beaucoup, mais avec qui j’ai des relations complexes. Après avoir tourné Sashinka, librement inspiré de ma relation avec ma mère, et après avoir eu mes propres enfants, mes souvenirs des années passées avec ma grand-mère sont revenus. De 0 à 8 ans, elle était une mère pour moi. 

Q. Comment Babushka fait-il écho à Sashinka ?

R. À travers Babushka, on voit en fait une autre façade de ma mère qu’il n’y avait pas dans mon premier film. Dans Sashinka, on rencontrait en effet une femme dans la fin quarantaine, début cinquantaine, qui est perdue et a une vie dissipée. Alors que dans Babushka, on rencontre ma mère dans sa jeunesse. C’est une femme avec beaucoup d’espoir. Elle a quitté la Russie pour se trouver un meilleur avenir. Babushka a aussi un côté plus historique, car il évoque la fin de l’Union soviétique. 

Q. Justement, est-ce que vous sentez qu’il y a une Valentina différente avant et après l’Union soviétique ?

R. Non, je pense que ma grand-mère est toujours restée telle qu’elle est. Une femme travaillante, positive, résiliente. Elle a vécu de grands drames dans sa vie, mais a toujours gardé sa bonne humeur, une énergie positive et une foi contagieuse. Je suis sa seule petite-fille. Je l’appelais « maman » avant de partir en Suisse. Elle a survécu à plusieurs séparations. Elle est vraiment inspirante. 

Q. Il y a cette scène très forte où votre grand-mère, bardée de médailles, va rencontrer des écoliers pour leur parler de la guerre…

R. Parce qu’elle est l’une des dernières survivantes ! Valentina est née en 1940, et sa famille a vécu le siège de Leningrad. Sa mère et elle ont survécu alors que tous les autres membres de la famille sont morts de faim. Après cela, elle ne marchait plus et est demeurée aveugle durant deux ans. C’est à ce moment qu’elle a développé des dons de clairvoyance. Par exemple, plus tard dans sa vie, chaque fois qu’elle partait de la maison, elle devait toujours apporter une aiguille et du fil noir. Elle ne savait pas pourquoi. Un jour, un marin l’a arrêtée dans la rue pour lui demander… une aiguille et du fil noir. Il est devenu son mari. 

PHPTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE


La réalisatrice Kristina Wagenbauer

Q. Quel est votre prochain projet ?

R. Je suis actuellement en Suisse, où je tourne deux des six épisodes d’une série de fiction pour la télé [RTS]. C’est une comédie dramatique sur une famille dysfonctionnelle. C’est drôle et touchant. Au Québec, j’ai terminé l’écriture de mon prochain film, Superluminal, qui signifie plus vite que la vitesse de la lumière. Ça raconte l’histoire d’une adolescente de 14 ans qui est un génie de la physique quantique. Elle se déguise en femme de 20 ans pour faire avancer ses études, mais cela aura des conséquences rocambolesques sur sa vie. 

Babushka sera présenté aux RIDM le 18 novembre à 20 h 30 au Cinéma du Parc (salle 2), dans le cadre du programme numéro 5 des courts et moyens métrages, et en ligne du 22 au 25 novembre

PHOTO FOURNIE PAR LES RIDM

Scène de Love-moi, de Romane Garant Chartrand

Les autres concurrents

Babushka fait partie de la compétition officielle des courts et moyens métrages nationaux des RIDM. Les autres films de cette sélection sont Ëdhä Dädhëcha¸| Moosehide Slide, de Dan Sokolowski ; Ikebana, de Rita Ferrando ; Love-moi, de Romane Garant Chartrand ; Poème fantôme, de Laurence Olivier ; Reminiscences of 15 musicians in Beirut attempting a re-imagination of the Egyptian classic Ya Garat Al Wadi, de Charles-André Coderre ; Sous la montagne endormie, de Charles Duquet ; The Truss Arch, de Sonya Stefan ; et Wash Day, de Kourtney Jackson.

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