Le deuxième long métrage de Yan England (1:54), Sam, doit prendre l’affiche le 28 juillet. Discussion autour d’un film de « montagnes russes émotives », campé dans le monde de la natation de haute compétition.

Marc Cassivi : Sam est un film qui trouve une vérité dans l’émotion. C’est facile d’aller trop loin d’un côté comme de l’autre. Tu avais ce souci de trouver le juste équilibre ?

Yan England : Totalement. On avait ce souci-là à l’écriture, André Gulluni [son coscénariste] et moi. Ce n’était pas un mélodrame qu’on voulait faire. Il y a une lumière quand même dans le film. Dès le début, on se disait que, pour nous, c’était un thriller psychologique sportif. Le sport est une porte d’entrée, mais on espère que les gens vont découvrir autre chose qu’ils ne soupçonnaient pas.

M. C. : Il ne manque pas de rebondissements...

Y. E. : Il y a aussi des moments de retenue et de pudeur. J’ai pu me permettre ça parce que j’ai eu la chance de diriger de grands acteurs qui sont investis dans leur rôle. Des acteurs qui n’avaient jamais joué ensemble et qui jouent des rôles qu’ils n’ont jamais joués auparavant. Je tenais à ça beaucoup. J’ai écrit le rôle pour Antoine [Antoine Olivier Pilon]. Antoine, pour moi, c’était Sam. Je savais qu’il n’était pas un nageur. Il est même asthmatique. C’était un défi. Mais je savais aussi dès le début, parce qu’on a travaillé ensemble sur 1:54, qu’il avait ce souci d’être vrai et authentique.

M. C. : Il fallait qu’il ait un corps de nageur...

Y. E. : Il fallait qu’en Speedo, il ait l’air d’un athlète de ce niveau-là. Je voulais le voir dans l’eau. Antoine a vite compris que ça prenait un dévouement total. On lui a trouvé un entraîneur de très haut niveau – Pierre Lamy, qui a entraîné des athlètes olympiques –, un nutritionniste, un coach physique. Pendant des mois, il n’a pas lâché. Ça lui a donné, et on le ressent tout de suite dans le film, une grande discipline.

M. C. : Il ne savait pas que le tournage serait interrompu par la pandémie et qu’il devrait garder la même forme pendant plusieurs mois... [Rires]

Y. E. : Effectivement ! Rappelons-nous qu’en mars 2020, on s’est dit que ça allait arrêter deux ou trois semaines. Il fallait garder la même motivation, même si on ne filmait pas. Avec tout ce qui est arrivé, ça lui donnait encore plus une compréhension du dévouement de ces athlètes-là. Ils vivent des reculs, ils ont des claques sur la margoulette, mais ils continuent parce qu’ils n’ont pas le choix. C’est ce qui est à la base du film. Quand on est passionné par quelque chose, que c’est notre vie et notre rêve, et qu’un évènement arrive qui vient chambouler et mettre en danger ce rêve, jusqu’où est-on prêt à aller pour ne pas tout perdre ? C’était mon idée de départ. C’était important pour moi que tout ce qui touche à la natation soit authentique. J’ai fait de la compétition de natation longtemps. J’ai entraîné des jeunes de 6 à 18 ans pendant 15 ans. Je connais ce milieu-là.

M. C. : Cela dit, ce serait trompeur de présenter Sam comme un film de sport. Le sport est un prétexte. C’est un cadre intéressant qui révèle des personnalités.

Y. E. : Exactement. C’est pour ça que j’emploie l’expression « porte d’entrée ». Après ça, peut-être que vous allez avoir des surprises. Je l’espère ! Il y a des montagnes russes émotives. Chaque personnage a des secrets. Chacun a ses mystères. Pour moi, même si ce n’est pas un thriller classique, c’est un thriller psychologique parce qu’on est toujours engagé.

PHOTO DROWSTER, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Yan England sur le plateau de tournage de Sam

M. C. : Quand on te dit, après 1:54 et avec Sam, Yan England, c’est un cinéaste « efficace ». Tu le prends comme un compliment ?

Y. E. : Tant que c’est positif ! Ce que j’aime au cinéma, c’est de vivre des émotions. Peu importe le genre. Moi, j’aime aller voir tous les films. Autant un film d’horreur qu’un film de Marvel. Autant un drame qu’un film qui va être plus « lent », mais qui va me faire vivre des émotions. J’espère – c’est mon but – faire vivre des émotions aux gens.

M. C. : Et qu’ils ne s’ennuient pas, non ? Tu vas de rebondissement en rebondissement...

Y. E. : J’espère que les gens embarqueront dans le film et qu’ils seront sur le bout de leur chaise. J’ai ce désir-là. Qu’ils n’aient pas le temps de trouver le temps long. On veut que ça parle à tout le monde. Autant des parents que des grands-parents que des jeunes adultes ou des ados. Ça fait cinq ans que je travaille sur ce film-là. Au bout du compte, si l’émotion passe, et que les gens n’ont pas eu le temps de s’ennuyer, tant mieux ! Vous allez vivre des émotions, des moments touchants, des moments d’action. J’espère que le cœur va palpiter. Je suis content de voir que les gens commencent à retourner au cinéma parce que, à la maison, ce n’est pas la même expérience. On est toujours dérangé. Le film dure 1 h 35 min. Je vous prends pendant 1 h 35 min, je vous emmène dans une « ride » et j’espère que vous serez sur le bout de votre siège.

PHOTO DROWSTER, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Le tournage de Sam a été interrompu par la pandémie.

M. C. : Dans quelle mesure y a-t-il une parenté entre tes deux longs métrages ? Les deux tournent autour du sport, avec Antoine dans le rôle principal...

Y. E. : C’est vrai, mais dans 1:54, le sport était une façon pour le personnage d’Antoine de se sortir de la situation dans laquelle il était. D’essayer d’avoir un souffle pour combattre ce que beaucoup de jeunes vivent à l’école secondaire. C’était sa porte d’entrée pour essayer de s’imposer. Ici, on n’est pas du tout dans cette énergie-là. Il y avait plus de sport dans 1:54.

M. C. : Dans ta réalisation, sens-tu que tu es rendu ailleurs ?

Y. E. : J’espère continuer à apprendre. J’ai appris beaucoup en faisant 1:54. C’était mon premier long métrage. J’avais aussi appris beaucoup en faisant mes deux courts métrages. Ce que j’aime et qui me parle beaucoup, c’est de me demander : « Et si ça t’arrivait ? Si tu vivais telle situation, tu réagirais comment ? » Ça me parle parce que ça devient personnel, peu importe le contexte. Tu n’es pas obligé d’avoir fait du sport pour comprendre certaines situations ou certains mystères et secrets. J’aime cet aspect-là. Dans Henry, mon court métrage [qui lui a valu d’être finaliste aux Oscars], j’utilisais beaucoup le point de vue du personnage de Gérard Poirier qui vit des trucs et qui ne comprend pas trop. Puis dans 1:54, tout était perçu du point de vue du personnage de Tim [Antoine Olivier Pilon]. Avec Sam maintenant, on a exploré d’autres avenues. Tout tourne autour de Sam parce qu’il se passe un évènement insoupçonné qui a des répercussions tentaculaires sur plein d’autres gens. En même temps, on découvre d’autres réalités à travers d’autres personnages. J’aime le rythme. Je voulais apporter un rythme dans l’histoire, dans la vitesse à laquelle Sam bouge. Il avance, tous les personnages avancent. Est-ce que ce sont toutes des lignes droites ? Non. Mais chacun avance.

M. C. : C’est sportif comme film.

Y. E. : Si on est capable de faire en sorte que le cœur bat plus vite, de toutes sortes de manières, dans l’action et dans les moments touchants, je suis content. Les pulsations peuvent aller super vite, mais après, il y a un moment de suspension avant de repartir. Comme dans des montagnes russes !

En salle le 28 juillet