Forts du succès du film Le mirage, Louis Morissette et Ricardo Trogi se réunissent de nouveau dans Le guide de la famille parfaite. Cette fois, ils explorent le phénomène de ces parents qui aiment trop leurs enfants, au point de les étouffer. Discussion sur les thèmes de la performance, du besoin de paraître et des conséquences s’y rattachant.

« Tu fais des films pour nous autres », disent parfois des gens qui croisent le chemin du réalisateur Ricardo Trogi. Pour lui, la remarque tient du compliment.

« Je fais des films contemporains où je me pose des questions sur ma génération, dit-il. Mes histoires ne mettent pas en scène un roi et une princesse, mais quelqu’un restant près de chez moi. Et quand je signe mes films campés dans le passé [1981, 1987, 1991], ça parle aussi de choses où les gens se reconnaissent. »

Chimie parfaite

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Louis Morissette et Brigitte Chabot dans une scène du Guide de la famille parfaite

Dans le contexte, la chimie avec le scénariste Louis Morissette est parfaite. Tous les deux parents, ils remettent en question leurs rapports aux enfants et à l’éducation dans le milieu familial. Est-on trop exigeant ? Pas assez ? Les pousse-t-on trop loin ? Les protège-t-on trop, contre la malbouffe, les réseaux sociaux, les mauvaises influences ?

Pire encore, certains parents voient-ils dans leurs enfants une version améliorée d’eux-mêmes, les poussant à imposer leurs volontés ? Rendu là, parle-t-on encore d’amour ou d’un geste purement égoïste ? C’est ce qui ressort du nouveau film du duo, Le guide de la famille parfaite, qui arrive en salle mercredi avec un an de retard pour cause de pandémie, mais avec un contrat de distribution avec Netflix à la clé.

Comédie dramatique, le long métrage raconte l’histoire de Martin (Morissette), père de Rose (Émilie Bierre) née d’une première union et de Mathis (Xavier Lebel), qu’il a eu avec Marie-Soleil (Catherine Chabot). Martin idéalise la vie qu’il n’a pas eue à travers Rose, condamnée à réussir en tout. A contrario, il ne s’occupe pas de Mathis, laissant Marie-Soleil à elle-même. On imagine les conséquences, tantôt drôles et souvent dramatiques.

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Scène du Guide de la famille parfaite

« Martin ne voulait pas d’un deuxième enfant, résume Louis Morissette qui cosigne le scénario avec François Avard et Jean-François Léger. Rose, c’est son projet. Il accepte d’avoir un enfant avec Marie-Soleil à la condition qu’elle s’en occupe. Je connais plein de gars dans cette situation.

On a ici un père qui veut réussir sa vie à travers son enfant. Il croit que ce que son enfant va devenir dit beaucoup de choses sur lui-même. Comme si la performance de l’enfant était celle du parent.

Louis Morissette

Anxiété de performance

La vision du monde de Martin a un impact sur la vie de Marie-Soleil et de Rose qui souffrent d’anxiété de performance.

Ayant mis de côté sa carrière d’avocate, Marie-Soleil essaie d’être une mère parfaite. « Elle se donne à 200 % pour combler l’absence du personnage de Martin, résume Catherine Chabot. Elle patche les trous. Mais elle est très seule et ne se sent pas faire équipe avec son chum. »

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Catherine Chabot

C’est la première fois que Catherine Chabot joue un rôle de mère. Or, entre le tournage et la sortie du film, elle est devenue maman d’une fillette qui a aujourd’hui 5 mois. « Après avoir revu le film, je me suis davantage identifiée à Marie-Soleil, dit la comédienne. On ressent effectivement la pression venant de son entourage ou des réseaux sociaux. »

Qu’en est-il d’Émilie Bierre qui, à notre avis, défend le rôle le plus central de cette histoire ? « Mes parents ne me mettent pas autant de pression [rires], mais je suis quelqu’un qui se met beaucoup de pression, entre autres pour l’école, dit celle qui vient de terminer ses études secondaires. J’ai toujours un petit stress par rapport à mes notes, à mes performances scolaires et à ce que je fais dans mes tournages. Mais c’est géré d’une façon plus saine que ce qu’on voit avec Rose. Mon désir de vouloir exceller est une source de motivation chez moi. »

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Émilie Bierre interprète Rose, sur qui son père met beaucoup de pression.

Cela dit, elle est sensible à l’histoire de son personnage qui, oui, lui rappelle des situations dont elle a été témoin. « J’espère que ce film va sonner une cloche pour certaines personnes, dit-elle. Certains passages ont l’air d’être poussés à l’absurde, mais c’est parfois ce qu’il faut pour que des personnes réalisent ce qu’elles font. Avec le cercle social et les réseaux sociaux, on est constamment soumis à des pressions. Si on ajoute celle des parents, ça peut devenir étouffant. Il faut en discuter. »

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Émilie Bierre

Nous faisons remarquer à la jeune comédienne que, à plus ou moins brève échéance, elle quittera pour toujours les rôles d’adolescente évoluant dans un milieu scolaire et qu’il y aura sans doute un deuil à faire. Est-elle enthousiaste ou apeurée de cela ?

« Un mélange des deux, dit-elle, un peu surprise par la question. Je peux tantôt avoir hâte de passer à autre chose ou tantôt vouloir rester dans les mêmes thèmes. Je suis quelqu’un de très nostalgique dans la vie et quand je pense qu’un jour, je pourrais être appelée à jouer un rôle de mère, ça me fascine et me trouble ! Mais ce qui me guide, ce sont les scénarios et les caractéristiques des personnages. Alors je me dis : allons-y un projet à la fois. »

Le film sort en salle le mercredi 14 juillet.

La musique, comme toujours

Fidèle à son habitude, le réalisateur Ricardo Trogi a farci son film d’une trame sonore de titres percutants, que ce soit en raison de leur popularité ou de leur subtile association avec un passage du long métrage. C’est ainsi qu’on entendra Soleil, soleil chantée par Nana Mouskouri, Mémo de Fanny Bloom, Circles de Post Malone, Faufile de Charlotte Cardin, Love de John Lennon et le Plastic Ono Band et autres. Un titre qui a particulièrement inspiré le réalisateur ? Soleil, soleil, qui accompagne le générique d’ouverture. « C’est très heureux comme thème et ça lance très bien l’histoire, dit Ricardo Trogi. J’ai insisté pour avoir cette chanson. »