Avec Vacarme, son premier long métrage de fiction, Neegan Trudel propose une histoire proche d’un univers qu’il connaît bien : la maltraitance et la pauvreté chez les enfants. Et sur le pouvoir de la musique pour rebâtir sa confiance. Entrevue.

Le proverbe voulant que la pomme ne tombe jamais très loin de l’arbre s’applique bien à Neegan Trudel. Ses parents, le DGilles Julien et Me Hélène Sioui-Trudel, ont cofondé la fondation du DJulien. Mais Neegan Trudel emprunte sa voie, le cinéma, pour explorer le thème des enfants en difficulté.

Force est de constater que le scénario de Vacarme, coécrit avec Jonathan Lemire, nous envoie cette réalité en plein visage à travers deux personnages forts. Émilie (Rosalie Pépin), jeune fille de 13 ans qui, en quête d’amour, revient toujours chez sa mère Karine (Sophie Desmarais). Cette dernière est une jeune femme instable et constamment déchirée entre son amour pour sa fille et un criant besoin de changer d’air.

D’où les rejets répétés. D’où l’installation d’Émilie dans un foyer de groupe où l’apprentissage du vivre-ensemble est un terrain miné. On le verra notamment à travers le personnage d’Ariel (Kelly Dépeault), cochambreuse d’Émilie.

« La productrice [Line Sander Egede] et moi ne voulions pas montrer quiconque du doigt, dit le réalisateur de 31 ans. Nous avions simplement le désir de présenter l’histoire d’une enfant vivant au milieu de ce stress-là et explorer un spectre différent de la pauvreté. Ne pas aller dans les stéréotypes tels la drogue, la boisson, etc. », explique M. Trudel.

Ce qui m’importait de dire est que les enfants ne vivent pas tous bien dans notre beau pays. On ne peut pas tourner la page là-dessus.

Neegan Trudel, cinéaste et réalisateur du film Vacarme

Sans surprise, M. Trudel a, très jeune, participé aux activités familiales. « J’ai été bénévole pour la fondation durant quelques années, poursuit-il. Par la suite, j’ai été moniteur de camp de jour dans un camp d’assistance aux enfants en difficulté. »

Or, en parallèle, l’appel des arts s’est manifesté tôt avec un effet magnétique qu’il ne pouvait nier. Au début de ses études secondaires, il fait du théâtre. Plus tard, il s’est intéressé au cinéma, notamment aux effets spéciaux.

« J’ai toujours aimé raconter des histoires, être dans celles-ci, vivre de tels moments. » En même temps, certains autour de lui martelaient qu’il allait vivre en « mangeant des croûtes de pain ». L’ouverture d’esprit de ses parents a fait la différence. « Ils m’ont encouragé à y aller. Au moins, m’ont-ils dit, fais un essai. »

PHOTO FOURNIE PAR AXIA FILMS

Rosalie Pépin incarne le personnage d’Émilie dans Vacarme.

Inspirante musique

Toujours dans les activités de la fondation, Neegan Trudel a visiblement été marqué par ce qu’il a observé au Garage à musique, centre de pédiatrie sociale du quartier Hochelaga-Maisonneuve fondé par sa mère et où les jeunes développent leur créativité.

La musique a le pouvoir de donner confiance à l’enfant. J’ai vu des jeunes avancer dans la connaissance de leur partition et accumuler de petites victoires. Cela apporte des bénéfices sur le plan du développement.

Neegan Trudel

C’est exactement ce que vit la jeune Émilie dans le film. Ses rencontres avec le personnage de Renaud (Rudi Loup Duperré) qui lui donne des leçons de guitare constituent de rares moments de grâce.

Émilie Pépin, interprète de Rosalie, crève l’écran. M. Trudel, qui est évidemment d’accord, raconte qu’elle s’est présentée en audition avec aplomb en affirmant qu’elle avait commencé à gratter la guitare trois jours plus tôt et qu’elle était prête pour le rôle.

« Et son jeu était impeccable, enchaîne-t-il. Elle est capable de passer d’un sourire à une grosse crise en trois secondes, avec le dosage recherché. »

Le personnage d’Émilie est-il porteur du mal de toutes les jeunes filles dans sa situation ? « Oui, répond M. Trudel. Pour elles, la seule façon de se faire entendre est de faire du vacarme. »

Lancé en première mondiale au festival Cinemania, Vacarme sera offert sur Crave et Super Écran à compter du 22 novembre.