Cinéaste russe à la longue feuille de route (Taxi Blues, Luna Park, La noce) et qui est venu quelques fois au Festival des films du monde, Pavel Lounguine s’intéresse, avec Quitter l’Afghanistan, à la retraite des troupes soviétiques d’Afghanistan en 1989, soit 10 ans après l’invasion de ce pays. Derrière le désordre et le caractère sauvage de ce retrait, il faut y voir un aspect humaniste, dit ce dernier, que La Presse a joint au Monténégro.

La guerre menée par les Soviétiques en Afghanistan fut-elle le Viêtnam de l’URSS ?

« En fait, le retrait des troupes a marqué le début de la chute de l’URSS. Le pays tel qu’il l’était n’a pas survécu à cela. Tout le monde en URSS a compris qu’il n’y avait plus de vérité. On a cru que la guerre signifiait le progrès alors qu’elle ne nous a rien apporté. Les jeunes soldats soviétiques revenus au pays étaient désemparés. »

Il est intéressant d’aborder l’histoire par la fin, la sortie des troupes. Pouvez-vous expliquer votre choix ?

« J’avais envie de parler de l’état moral des participants. Je voulais jauger les âmes des gens, du général jusqu’au soldat. J’avais envie d’explorer l’art et la difficulté de perdre. Ce qui se passait chez les soldats était très différent du climat régnant chez les intellectuels, à Moscou. Ces derniers ont compris que ce retrait signalait un vent de liberté. Et effectivement, quelques mois plus tard, le mur de Berlin tombait. »

Quel genre d’accueil votre film a-t-il reçu en Russie ?

« Il y a eu pas mal de scandale ! Notamment chez les vétérans. En fait, la société était divisée, partagée. Certains anciens combattants, notamment chez les gradés, ont affirmé que mon propos était calomnieux. En fait, plusieurs d’entre eux ont vécu le retrait de l’armée comme une trahison de Gorbatchev. Alors que d’autres vétérans m’ont affirmé que la vérité avait été encore plus féroce et sanglante que ce que je montre dans le film. Ce furent des débats intéressants. »

Est-ce que cette portion de l’histoire est enseignée dans les écoles ? Est-elle très présente dans la mémoire des Russes ?

« Enseignée ? Je ne sais pas. Mais, oui, elle reste dans les mémoires. Beaucoup d’hommes qui ont aujourd’hui 60, 70 ans ont participé au conflit et plusieurs en conservent un trauma intérieur. Et de nombreux citoyens ont perdu des proches. »

En regardant votre film, on comprend que le conflit ne se divisait pas uniquement entre deux groupes, les bons et les méchants. Il y avait des factions, des alliances, des trahisons…

« En effet ! Le fait de regarder la guerre avec un recul de 30 ans permet de voir les choses autrement. Non, il n’y avait pas que des bons et des méchants. Et comment affirmer qui sont les coupables alors que tout le monde cherchait à survivre ? Mon film est humaniste en ce sens qu’il rappelle qu’un conflit de cet ordre est beaucoup plus complexe qu’on voudrait le croire. »

En salle le 4 septembre.