Amorcé le 9 septembre, le tournage du long métrage Le guide de la famille parfaite de Ricardo Trogi se poursuivait plus tôt cette semaine dans un quartier tranquille de Boucherville. La Presse est allée visiter les artisans sur le plateau.

Comme dans Le mirage, leur film précédent, Le guide de la famille parfaite, nouvel opus du tandem Ricardo Trogi/Louis Morissette, commencera dans une maison. Mais à la maison cossue et fantasmée de Patrick dans Le mirage succède celle, bien plus modeste, de Martin dans ce nouveau film.

C’est le premier constat que l’on fait en visitant le plateau de tournage campé dans une rue tranquille, étroite et semée de maisons familiales de Boucherville. L’endroit respire le bonheur mais n’est pas du tout tape-à-l’œil.

« Oui, l’histoire est campée dans un cercle plus modeste, répond Louis Morissette, qui a eu l’idée du film et qui en signe le scénario avec Jean-François Léger et François Avard. C’était voulu. Parce que le film raconte l’histoire d’un gars frustré par plein de choses dans son parcours. Il n’est pas là où il voudrait être, où il pensait être. Et il aimerait que sa fille réussisse là où il a échoué. »

Culpabilité familiale

Le gars en question, c’est Martin (Morissette), père de Rose (Émilie Bierre) née d’une première union, et de Mathis (Xavier Lebel), qu’il a eu avec Marie-Soleil (Catherine Chabot), sa seconde conjointe.

Le calme règne au sein de cette famille recomposée que le spectateur retrouvera dans son entièreté dès la quatrième scène, justement tournée le jour de notre passage. C’est un matin de semaine, jour d’école et de travail. C’est ici que Rose entre en scène.

« Elle a 16 ans, presque 17, dit d’elle Émilie Bierre, vêtue d’un costume impeccable. C’est une jeune fille qui subit beaucoup de pression parentale autour de ses performances : à l’école [privée], dans les sports, etc. Elle joue au hockey, fait de la danse, rencontre des tuteurs. Tous les soirs, il y a une activité et elle n’a pratiquement pas de temps pour elle-même. Elle est parfaite, mais jusqu’où cela peut-il aller ? »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Émilie Bierre, récemment vue dans Une colonie de Geneviève Dulude-De Celles et Genèse de Philippe Lesage.

« La relation entre Rose et Martin montre à quel point les parents, en voulant bien faire, peuvent en faire trop, jusqu’à étouffer leur progéniture », croit Louis Morissette. Père de trois enfants, ce dernier assure savoir de quoi il parle.

Il existe une industrie de la culpabilisation de la famille. Partout, dans la publicité, les blogues, on te dit quoi faire avec tes enfants.

Louis Morissette

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Louis Morissette sur le plateau de tournage. Son personnage de Martin est prêt à aller au travail.

Le fondateur de KOTV estime que sa vie très publique avec sa femme Véronique Cloutier et ses enfants peut projeter une image de famille parfaite, un concept qu’il rejette. « Quand on me dit que nous sommes si beaux, que nous avons l’air parfaits, ça m’énerve. Nous ne sommes pas différents des autres. Il y a des journées où on s’engueule, où on n’est pas capables de se sentir. »

Bref, dans la réalité comme au cinéma, il y a deux versions de la vie : devant et derrière la porte.

Saisir l’air du temps

Rencontrés sur le plateau, tant Catherine Chabot que Ricardo Trogi estiment que Morissette possède cette qualité de bien saisir l’air du temps. Une des raisons qui les ont encouragés à sauter dans le train.

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Ricardo Trogi apprécie sa collaboration avec Louis Morissette. « Il parle de choses dont j’ai le goût d’entendre parler », dit-il.

Louis parle de choses dont j’ai le goût d’entendre parler. C’est comme ça qu’il vient me chercher. J’ai une fille de 12 ans qui entre au secondaire. Des changements chez elle, j’en vois chaque semaine. Il y a des petits bouts du film où je me reconnais.

Le réalisateur Ricardo Trogi

« Louis, je l’ai vu avec Le mirage, est capable de saisir les maux de son époque, renchérit Catherine Chabot. J’ai un frère, une sœur et des amis qui ont des enfants. Je vois à quel point c’est difficile. Il y a de nos jours tellement d’options, d’information, de courants et de façons de faire autour des enfants. Il y a tellement de mères blogueuses sur Instagram qui te disent quoi manger, quoi porter et quoi faire avec ton enfant. C’est une pression sociale énorme pour un parent. »

Dans le film, d’ailleurs, son personnage de Marie-Soleil vit beaucoup dans l’apparence. Avocate ayant cessé de travailler pour s’occuper de son fils, elle continue à s’entraîner, prend des clichés d’elle pour les mettre en ligne. « Rose ne peut que constater que sa belle-mère tend vers la perfection. Par effet domino, cela met de la pression sur elle. »

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Après avoir reçu de bonnes critiques pour son travail d’interprétation dans Menteur d’Émile Gaudreault, Catherine Chabot tourne ici son deuxième long métrage.

« S’il y a un endroit où les films [Le mirage et Guide de la famille parfaite] se recoupent, c’est dans l’image », croit Louis Morissette, qui ajoute s’être librement inspiré de sa propre vie. 

« Toutes les frustrations de mon père sont un peu dans le film, dit-il. Il me disait : “Tu vas aller à l’école et parler en anglais.” Personnellement, cela ne m’a pas étouffé mais motivé. Je trouvais que ça avait du sens et j’ai étudié en administration à McGill. Mais aujourd’hui, les enfants ne fonctionnent plus de la même façon. »

En plus de Boucherville, le tournage a eu et aura lieu à Montréal, Mont-Saint-Hilaire et dans les Laurentides. Isabelle Guérard, Gilles Renaud, Louise Portal et Alexandre Goyette sont aussi de la distribution. Le tournage se termine le 20 octobre et la sortie du film est prévue à l’été 2020.