Puissant film choral sur la justice restaurative de Jeanne Herry, Je verrai toujours vos visages met en scène des victimes d’agression qui dialoguent avec des agresseurs afin de reprendre le contrôle de leur vie.

Introduite au Canada en 1996 et en France en 2014, la justice réparatrice ou restaurative permet d’établir un dialogue entre des victimes d’actes criminels et des délinquants afin que les deux partis échangent sur les répercussions de ces crimes dans leur vie. Dans Je verrai toujours vos visages, Jeanne Herry (Elle l’adore, Pupille) démontre avec puissance, sans jamais verser dans le didactisme ni le mélodrame, l’impact d’une telle démarche en mettant en scène deux types de dispositifs sécurisés de justice réparatrice.

Durant toute son enfance, Chloé (Adèle Exarchopoulos) a été violée par son demi-frère. Apprenant qu’il s’apprête à revenir vivre dans son quartier, la jeune femme, accusée par sa grand-mère d’avoir fait éclater la famille, fait appel à une médiatrice, Judith (Élodie Bouchez), afin d’annoncer à son agresseur qu’elle ne veut plus jamais le croiser. Le processus durera de longs mois au cours desquels Chloé exprimera à Judith sa peur, sa tristesse et sa colère.

Pendant ce temps, deux collègues de Judith, Fanny (Suliane Brahime) et Michel (Jean-Pierre Darroussin), animent en prison des rencontres entre trois victimes de vols avec violence, Nawelle (Leïla Bekhti), Grégoire (Gilles Lellouche) et Sabine (magistrale Miou-Miou, mère de la réalisatrice), et trois agresseurs, Nassim (Dali Benssalah), Issa (Birane Ba, révélation du film) et Thomas (Fred Testot). Se joindront à ce cercle de huit personnes deux bénévoles, Yvette (Anne Benoît) et Cyril (Pascal Sangla). « On écoute, on accueille inconditionnellement », dit Paul (Denis Podalydès) à Judith, Fanny et Michel lors d’un atelier de formation.

Après des échanges tendus où les victimes ne se montrent pas tendres envers les criminels, Jeanne Herry orchestre une scène qui s’avère à la fois un instant de pure émotion et un grand moment de cinéma, celle où les participants, Issa en tête, brisent le cercle pour faire corps autour de la fragile Sabine. Quiconque aurait des réserves quant à l’efficacité de la justice réparatrice pourrait bien les perdre en voyant ce bouleversant film choral où chaque acteur, magnifiquement mis en valeur par le regard empreint d’empathie de la cinéaste, joue sa partition à la perfection.

D’une mise en scène précise où se devine un souci de vérité, Je verrai toujours vos visages offre une galerie de portraits nuancés et diversifiés. Si bien qu’à l’instar des personnages eux-mêmes, le spectateur en vient à oublier qui est bourreau, qui est victime. Comme si chacun laissait tomber son masque pour révéler son humanité.

En salle

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Je verrai toujours vos visages

Drame

Je verrai toujours vos visages

Jeanne Herry

Leïla Bekhti, Adèle Exarchopoulos et Élodie Bouchez

1 h 58

8/10