L’adaptation par Sofia Coppola de la biographie de Priscilla Presley, Elvis and Me, parue en 1985, est une œuvre subtile et intimiste sur l’émancipation d’une femme sous le joug d’un pygmalion depuis l’adolescence.

L’histoire d’une promise éblouie par l’aura de son Roi-Soleil, puis condamnée à l’ombre par le King, qui l’enferme dans son château de Graceland. Un récit en parfaite adéquation avec le reste de la filmographie de Sofia Coppola, à propos de jeunes femmes en quête de liberté, qui s’élève par sa maîtrise au-dessus de la mêlée des Bling Ring, Beguiled et On the Rocks, voire de Marie-Antoinette.

Priscilla Beaulieu n’a que 14 ans – l’âge de Marie-Antoinette lorsqu’on l’a mariée au futur Louis XVI – et Elvis Presley, 10 ans de plus, quand ils se rencontrent en Allemagne en 1959. Elvis fait son service militaire en Bavière. Priscilla y vit avec ses parents sur une base américaine. C’est le coup de foudre. Il soigne son mal du pays auprès de cette adolescente d’Austin, au Texas. Elle est aux anges et passe ses journées à fantasmer sur l’idole de la jeunesse américaine.

C’est à partir de ce moment, et à travers les yeux de Priscilla Presley, que Sofia Coppola raconte cette histoire d’amour mythique que l’on qualifierait aujourd’hui de toxique.

La cinéaste épouse une approche subtile, minimaliste et impressionniste, qui fait de Priscilla l’antidote parfait au Elvis boursouflé de Baz Luhrmann. On ne voit jamais Elvis en concert ou au cinéma, et on entend très peu de ses chansons, à peine une version au piano de Love Me Tender.

Cela dit, la bande originale du film est remplie de perles anachroniques – une marque de commerce du cinéma de Sofia Coppola –, de l’interprétation de Crimson and Clover par Joan Jett à la version originale de I Will Always Love You par Dolly Parton, épousant à merveille la fin du film et de ce mariage, qui a duré de 1967 à 1973. La trame sonore, signée par Phoenix, le groupe français du mari de Sofia Coppola, Thomas Mars, est fabuleusement vaporeuse, comme du reste la direction artistique.

Une prison dorée

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Cailee Spaeny incarne Priscilla Beaulieu dans le film de Sofia Coppola.

À 16 ans, Priscilla Beaulieu s’installe à Graceland et elle finira ses études secondaires dans une école catholique de Memphis. Le fantasme de la vie de château kitsch à Graceland prend rapidement des tournures de prison dorée. Priscilla est le récit d’un amour contrarié et d’une dépendance aux amphétamines et aux somnifères qu’Elvis l’encourage à avaler.

Il est son confident et son mari, pas assez son amant et beaucoup son père. Il décide de tout, du moment où ils pourront faire l’amour (à leur nuit de noces, selon le récit), jusqu’à la couleur de ses cheveux (noirs) et de ses robes (bleues). Il ne la demande pas en mariage, il lui annonce leur mariage.

Même si le film dépeint Elvis en gentleman timide sans arrière-pensée lorsqu’il a courtisé une adolescente à peine pubère, c’est un portrait peu flatteur de Presley, assombri par des épisodes de violence conjugale et une tentative de viol.

Chaque fois que Priscilla reproche à son mari ses nombreuses infidélités (avec Nancy Sinatra ou Ann-Margret, par exemple), il laisse planer comme une épée de Damoclès la menace de son remplacement par une épouse plus docile et indulgente. Même enceinte de Lisa Marie (disparue en janvier dernier), Priscilla encaisse les sautes d’humeur d’Elvis, qui suggère une pause dans leur mariage.

Sofia Coppola a fait le choix judicieux de confier ces rôles iconiques à des acteurs méconnus. L’Australien Jacob Elordi (Euphoria) ne tente pas d’imiter Elvis, comme l’a fait Austin Butler dans le film du même nom. Il est beaucoup plus grand qu’Elvis, si bien que Priscilla a l’air d’une enfant à ses côtés (ce qui est sans doute volontaire). Il dégage en revanche une énergie à la fois attendrissante et terrifiante.

L’Américaine Cailee Spaeny, qui a remporté le Prix de la meilleure actrice à la plus récente Mostra de Venise, est tout à fait convaincante, à la fois dans la peau d’une adolescente enamourée et dans celle d’une femme émancipée de 28 ans.

La dynamique entre les deux acteurs contribue certainement à faire de Priscilla le meilleur film de la cinéaste de The Virgins Suicides depuis Lost in Translation, il y a déjà 20 ans.

Priscilla

Drame biographique

Priscilla

Sofia Coppola

Avec Cailee Spaeny et Jacob Elordi

1 h 50
En salle

8/10

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