Pour le temps des Fêtes, Matthias retrouve son fils Rudi, son vieux père Otto et son village natal de Transylvanie, en Roumanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il tente de reconquérir son ancienne blonde, Csilla, qui décide de recruter des employés étrangers dans l’usine qu’elle dirige. Cela bouscule le village et les frustrations, les angoisses et les conflits éclatent.

« Étant donné l’état du monde, je trouve que nous aurions tous besoin d’un examen du cerveau », a déclaré le cinéaste roumain Cristian Mungiu, afin d’expliquer le titre intrigant de son nouveau film, R.M.N. (pour « résonance magnétique nucléaire »).

Matthias, un homme bourru et obtus qui s’est exilé en Allemagne pour trouver du travail, rentre dans son village natal et multiethnique de Transylvanie. Son père, Otto, est souffrant et son fils de 8 ans, Rudi, ne parle plus depuis qu’il a eu soudainement peur dans la forêt, de manière irrationnelle, en route vers l’école.

Lorsque l’usine de pain que gère l’ex-blonde de Matthias, Csilla, décide de recruter des employés du Sri Lanka, faute de main-d’œuvre locale, les villageois se soulèvent afin d’exiger que ces ouvriers soient aussitôt renvoyés dans leur pays. « On n’a rien contre eux, disent-ils en chœur, mais on les préfère chez eux ! », disent-ils pendant un long plan-séquence de près de 20 minutes, pendant une réunion qui vire au tribunal populaire.

PHOTO FOURNIE PAR MOBRA FILMS

Scène de R.M.N.

C’est à ce discours xénophobe décomplexé, nourri par le nationalise d’extrême droite qui a envahi l’Europe ces dernières années, que s’intéresse Cristian Mungiu dans ce drame à la fois social, économique et politique, inspiré d’un fait divers à propos d’un village en Roumanie, où vivent des citoyens d’origine roumaine, hongroise et allemande, qui a voulu en 2020 chasser de l’usine du coin les travailleurs étrangers qui y avaient été embauchés.

Islamophobie, stéréotypes racistes sur l’hygiène et les maladies, crainte d’un envahissement, théorie du « grand remplacement » : Mungiu, Palme d’or pour le magistral 4 mois, 3 semaines et 2 jours en 2007, Prix du scénario au Festival de Cannes en 2012 pour Au-delà des collines et Prix de la mise en scène pour Baccalauréat en 2016, n’épargne surtout pas ses compatriotes dans R.M.N., qui a aussi été présenté en compétition à Cannes l’an dernier.

Il souligne le paradoxe d’une communauté formée de gens provenant de différents pays, parlant des langues diverses, qui sont eux-mêmes méprisés à l’étranger, mais n’acceptent pas d’accueillir chez eux autre chose que des Européens blancs, la « majorité historique ». Par manque d’empathie, motivés par des craintes irrationnelles, puisant dans les pulsions les plus sombres de l’humanité, où l’homme rejoint l’animal sauvage.

R.M.N. est, à l’image de ce constat, un film austère, de grisaille, de paysages enneigés et de désolation, à l’instar de la plupart des œuvres de Cristian Mungiu. Le regard que pose le cinéaste de 55 ans sur sa société est implacable. Il n’épargne pas pour autant le reste de l’Europe, où les mouvements identitaires et le populisme sont en plein essor.

Il est autant critique du capitalisme débridé, qui contraint les populations européennes moins fortunées à des migrations économiques, que des mouvements progressistes paternalistes.

Posant une nouvelle brique à une filmographie déjà solide, Cristian Mungiu propose un autre film courageux, dérangeant, déstabilisant, dont la conclusion énigmatique, sous forme de fable empruntant au cinéma de genre, m’a laissé dubitatif.

En exclusivité au Cinéma du Parc

Consultez l’horaire du film
R.M.N.

Drame

R.M.N.

Cristian Mungiu

Marin Grigore, Judith State, Macrina Barladeanu

2 h 05

7,5/10