Il y a deux axes intéressants dans ce nouveau long métrage de Rafaël Ouellet. Le premier emprunte les arcanes d’un thriller traditionnel, à l’intérieur duquel une famille de criminels est confrontée aux autorités et à la loi. Le deuxième est celui s’intéressant au profil psychologique d’un protagoniste en quête d’amour, solidaire des siens, mais qui souhaiterait néanmoins vivre une existence plus « normale », en tout cas plus apaisée.

Dix ans après l’excellent Camion, le dernier de ses projets vraiment personnels, Rafaël Ouellet offre un film noir de très belle tenue, dont l’esprit, on le sent bien, est nourri du lien profond qu’a le cinéaste avec sa région, le Témiscouata.

Baignant dans une atmosphère très contemporaine, où pèse pourtant le poids du passé, le récit d’Arsenault & Fils est construit autour d’une famille qui a imposé sa propre loi sur le territoire depuis des générations. Ayant cependant appris à mener leurs opérations illicites — connues de tous – dans une relative discrétion, les Arsenault parviennent néanmoins à se faire apprécier d’une façon ou d’une autre dans la communauté.

Cet équilibre relatif est toutefois rompu quand Anthony (Pierre-Paul Alain), sorte de mouton noir du clan, revient dans le décor, au moment même où Adam (Guillaume Cyr), l’aîné que tout le monde voit comme une « bonne pâte », commence à tomber amoureux d’Émilie (mystérieuse Karine Vanasse). Cette ancienne animatrice de radio, nouvellement arrivée au village, sait comment s’y prendre et s’intéresse à l’un comme à l’autre…

Une vraie modernité

À l’intérieur du garage familial que dirige André Arsenault (Luc Picard), père d’Adam et d’Anthony, se passent des choses — on y vend de la viande obtenue de bêtes chassées illégalement — auxquelles s’intéressent évidemment les agents de la faune et les autorités policières. Dans ce coin de pays où la chasse occupe un espace prépondérant dans le cœur des hommes, rien n’éclaire d’ailleurs davantage le visage d’André, autrement taciturne, que la vue d’un bel orignal, comme, il y a 35 ans, la même vision éclairait celui d’Albert (Roger Lebel) dans Un zoo la nuit, le classique de Jean-Claude Lauzon.

Même s’il est campé dans un monde où rien ne semble changer, Arsenault & Fils est ancré dans une vraie modernité. Le film fonctionne sur la base de son suspense, mais se distingue aussi à titre de drame familial. Les dialogues sont vivants, souvent punchés, et cette description de la vie contemporaine à l’extérieur des grands centres se révèle empreinte d’authenticité.

PHOTO FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Pierre-Paul Alain dans Arsenault & Fils, un film écrit et réalisé par Rafaël Ouellet

La mise en scène est dynamique sans être surfaite, les images (signées François Dutil), magnifiques, et la distribution de haut vol que Rafaël Ouellet a réunie devant sa caméra a l’occasion de bien se faire valoir, particulièrement les trois hommes de l’histoire. Luc Picard offre une performance remarquable dans le rôle du père, Pierre-Paul Alain sera une vraie révélation pour le public cinéphile, et Guillaume Cyr, comme si besoin était, fait de nouveau comprendre pourquoi tout le monde se l’arrache. L’acteur module ici à la perfection les nuances d’un personnage devant soutenir une famille que les activités illégales rebutent, mais il exprime aussi avec subtilité le désarroi d’un homme amoureux qui entamera bientôt la quarantaine. Et qui comprend que ça ne se passera peut-être pas de la manière qu’il le souhaite sur ce plan.

Soulignons par ailleurs l’excellence de la trame musicale, efficace sans être intrusive, composée par Robin-Joël Cool, Viviane Audet et Alexis Martin.

Les bons films d’auteur à vocation populaire, ralliant à la fois critique et public, ne sont pas légion au Québec. En voilà un qui pourrait potentiellement s’imposer de la sorte, même en s’aventurant hors des sentiers de la comédie, ce qui est rare. On ne peut qu’applaudir.

Arsenault & Fils

Thriller

Arsenault & Fils

Rafaël Ouellet

Avec Guillaume Cyr, Karine Vanasse, Pierre-Paul Alain

1 h 50

8/10

En salle