Au milieu des années 1970, Marianne Joan Elliott-Said, alias Poly Styrene, devient une vedette de la scène punk britannique en fondant le groupe X-Ray Spex, dont elle est la leader et la chanteuse. Mais le vedettariat sied mal à cette artiste souffrant d’un trouble bipolaire, disparue à 53 ans. Ce film revient sur sa carrière comme sur ses démons.

Dès l’entrée en matière, Celeste Bell, fille unique de Poly Styrene, admet avoir mis quelques années à plonger dans l’héritage laissé par sa célèbre mère et à en faire la gestion. Parce que leur relation aura été tout sauf un long fleuve tranquille, traversée par l’amour, la peur, la négligence, la colère, les ruptures et la réconciliation.

Ce documentaire consacré à l’histoire de sa mère, c’est aussi, un peu, beaucoup, la propre histoire de Celeste. Et ce n’est pas sans raison si Mme Bell se met en scène plusieurs fois au cours du film. On la voit même feuilleter l’ouvrage Dayglo – The Poly Styrene Story que Zoe Howe et elle ont publié en 2019 et qui sert de matière de base au film.

Cette mise en abîme aurait pu être très agaçante. Elle ne l’est pas. Parce que ce documentaire aux accents parfois tonitruants (on est dans l’époque punk, après tout !) se démarque par une légèreté, une douceur, une brise apaisante qui tiennent probablement de ce qu’on pourrait qualifier de « réconciliation tranquille ».

Celeste Bell ne cache pas ses différends avec sa mère. Mais dans l’essence, elle met ici ses pas, avec affection et admiration, dans ceux de Poly Styrene pour nous raconter de façon remarquable l’histoire de cette femme authentique et originale.

Née d’une mère britannique et d’un père somalien, Poly a eu, dès le début de sa carrière, à défendre des enjeux associés à la couleur de sa peau. Ce fut la première de plusieurs batailles personnelles pour cette femme devant répondre à d’insistantes questions des médias sur ses tenues vestimentaires colorées ou ses appareils dentaires.

Avec Celeste, le spectateur visite Hastings, ville de la côte sud de l’Angleterre où Guillaume le Conquérant a débarqué en 1066 et où Poly Styrene a découvert les Sex Pistols en 1976. De là, nous allons à New York où la chanteuse a vécu la désillusion, l’Hertfordshire où elle a vécu dans un manoir Hare Krishna et l’Inde où sa fille est allée répandre ses cendres.

Si elle est au centre de l’histoire, la coréalisatrice donne la parole à de nombreuses personnes ayant côtoyé sa mère : son mari (le père de Celeste) Adrian, sa sœur Hazel, des membres de son équipe de gérance, des artistes, dont Lora Logic et Paul Dean des X-Ray Spex, et des journalistes telle Vivien Goldman. La comédienne Ruth Negga (Loving, Passing) assure la narration.

Ce documentaire n’est pas tant un film sur la période punk qu’une œuvre explorant l’héritage discret mais précieux qu’a laissé l’une de ses représentantes. Elle avait beau porter le nom d’un polymère très commun et chanter I Am a Cliché, Poly Styrene a laissé une signature à découvrir ou à redécouvrir.

En VSD

Poly Styrene – I Am a Cliché

DOCUMENTAIRE

Poly Styrene – I Am a Cliché

Paul Sng et Celeste Bell

Avec Celeste Bell, Adrian Bell, Hazel Emmons

1 h 36

7/10