Il est de ces films dont on sent qu’ils tiendraient un peu plus mal la route sans la présence du comédien incarnant le protagoniste sur qui repose l’histoire. C’est le cas de ce Médecin de nuit, dont la réussite tient en grande partie à la performance de Vincent Macaigne. L’acteur est d’ailleurs en lice aux Césars dans la catégorie du meilleur acteur, une distinction pleinement méritée.

Dans ce troisième long métrage d’Elie Wajeman (Alyah, Les anarchistes), celui qu’on a vu l’an dernier dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d’Emmanuel Mouret, délaisse le type de personnage d’amoureux transi qu’on lui a souvent confié au cinéma. Il se glisse cette fois dans la peau d’un homme déchiré de l’intérieur, aussi capable de douceur et de compassion que de violence.

Visiblement inspiré par les films noirs américains des années 1970 – Mean Streets en tête –, arpentant aussi les mêmes arcanes que James Gray (The Yards, We Own the Night), Elie Wajeman relate le parcours de Mikaël, un médecin sur appel qui travaille la nuit. Ce choix de personnage lui permet de déployer son récit sur plusieurs axes. Entre les visites à domicile à des patients ayant appelé en urgence, Mikaël, qui a aussi gagné la confiance des marginaux et des laissés pour compte, vit aussi beaucoup dans la rue.

PHOTO FOURNIE PAR FUNFILM DISTRIBUTION

Vincent Macaigne et Pio Marmaï dans Médecin de nuit, film d’Elie Wajeman

Prescrivant des ordonnances pour soigner le mal de vivre de la faune nocturne, impliqué aussi dans des trafics illicites de médicaments orchestrés par son cousin pharmacien (Pio Marmaï), Mikaël se donne la nuit pour régler ses affaires et reprendre sa vie en main. Sa grave crise existentielle découle en outre de l’ultimatum que lui a lancé sa femme (Sarah Le Picard), malgré tout l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, et aussi des distances que semble vouloir prendre une femme (Sara Giraudeau) avec qui il entretient une liaison. Pour couronner le tout, des types peu recommandables commencent à lui courir après…

Un univers de cinéma

Wajeman prend le pari de mêler l’intime et le social en traçant le portrait d’un homme dont les convictions humanistes sont non seulement mises à l’épreuve du système, mais commandent aussi un code moral qu’il a lui-même du mal à honorer.

Avec beaucoup de finesse et de subtilité, Vincent Macaigne traduit les multiples facettes d’un homme aussi confronté à la loi de la rue. Le regard doux et bienveillant du médecin au manteau de cuir peut ainsi céder la place à des pulsions plus violentes, histoire de survivre dans un milieu où les rapports humains sont plus âpres.

Tout en maintenant un souci de réalisme, le cinéaste propose clairement ici un univers de cinéma. Riche d’atmosphères, Médecin de nuit se distingue aussi grâce à des choix artistiques bien assumés, à une splendide cinématographie (images signées David Chizallet), et à des quartiers de Paris peu souvent vus au cinéma.

Médecin de nuit est offert sur la plateforme du Cinéma du Parc, ainsi que sur Crave/Super Écran.

Médecin de nuit

Drame

Médecin de nuit

Elie Wajeman

Avec Vincent Macaigne, Pio Marmaï, Sara Giraudeau

1 h 22

7/10